Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/87

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Mosé ayant donc pris sa femme et ses enfans les met sur son âne, et marche en égypte avec sa verge. Dieu lui dit en chemin, ne manque pas de faire devant le pharaon tous les prodiges que je t’ai ordonné de faire. Car j’endurcirai son cœur, et il ne laissera point aller mon peuple. Or Mosé étant en chemin, Dieu le rencontra dans un cabaret, et voulut le tuer : mais Séphora lui sauva la vie en coupant le prépuce de son fils avec une pierre aigue [1]. Mosé et Aaron allerent se présenter au pharaon et dirent : voici ce que dit le seigneur le Dieu d’Israël ; laisse aller mon peuple afin qu’il me sacrifie dans le désert. Le pharaon répondit : qui est donc ce seigneur pour que j’entende sa voix ?

[2] je ne laisserai

    commandé de faire trembler le roi d’égypte en son nom, va lui dire en Madian que ce roi est mort et qu’il peut aller en égypte en sûreté. C’était donc à un nouveau roi que Moyse devait porter les ordres de Dieu. Mais le texte ne nous apprend ni le nom du roi dernier mort, ni celui de son successeur. Quelques commentateurs ont dit que ce successeur était Aménophis, mais ils n’en donnent aucune preuve ; et c’est ce qui leur arrive assez souvent. Il est vrai que Mosé aurait risqué sa vie en allant en égypte ; il était coupable du meurtre d’un égyptien, c’était un crime capital dans un israëlite. Il aurait pu être exécuté si Dieu ne l’avait pas pris sous sa protection, dont il semblait pourtant se défier malgré les miracles de la verge changée en couleuvre, et de la main lépreuse. C’est encore unbeau miracle que Dieu veuille tuer Mosé dans un cabaret. (Note de Voltaire.)

  1. nos critiques ne cessent de s’étonner que l’ambassadeur de Dieu, qui va faire le destin d’un grand empire, marche à pied sans valet, et mette toute sa famille sur une bourique. Ils sont révoltés que Dieu dise, j’endurcirai le cœur de pharaon. Cela leur parait d’un génie malfaisant plutôt que d’un dieu. Le Lord Bolingbroke s’en explique aigrement dans ses œuvres postumes. Dieu, qui rencontre Mosé dans un cabaret, et qui veut le tuer parce qu’il n’a pas circoncis son fils, excite toute la mauvaise humeur de Bolingbroke, d’autant plus que nul juif ne fut circoncis en égypte, et qu’il n’est dit nulle part que Mosé eut le prépuce coupé. Ce lord avait un grand génie ; on lui reproche d’avoir usé à l’excès de la liberté de son pays.
  2. il est évident ici que l’égypte ne reconnaissait plus le dieu des hébreux. On croit qu’en ce cas pharaon n’est point coupable de dire : qui est donc ce dieu ? Il ne devient criminel que lorsque les miracles de Mosé et d’Aaron, supérieurs aux miracles de ses mages, ne purent le toucher. Cependant, quand on songe que ces mages d’égypte changent leurs verges en serpents, et toutes les eaux en sang, tout aussi bien que les ambassadeurs du vrai dieu, quand ils font naître des grenouilles ainsi qu’eux, on est tenté de pardonner à l’embarras où se trouva le roi. Ce ne fut que quand les deux hébreux firent naître des poux, que les mages commencerent à ne pouvoir plus les imiter. On pourrait donc dire que le roi crut, avec quelque apparence, que tout cela n’était qu’un combat entre des magiciens, et que les enchanteurs hébreux en savaient plus que ceux de l’égypte. Dieu pouvait, nous dit-on, ou donner l’égypte à son peuple, ou le conduire dans le désert sans tant de peine, et sans tant de miracles. On est surpris que le dieu de la nature entiere s’abaisse à disputer de prodiges avec des sorciers. De sages théo-