Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/131

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trât à faire la révérence. Le temps viendra où les sauvages auront des opéras, et où nous serons réduits à la danse du calumet.

L’intérêt public est partout que le gouvernement empêche la religion de nuire. Impossible de remédier à la rage des sectes que par l’indifférence. La religion n’est bonne qu’autant qu’elle admet des principes dont tout le monde convient ; de même qu’une loi n’est bonne qu’autant qu’elle fait la sûreté de tous les ordres de l’État : donc il faut laisser à la religion ce qui est utile à tous les hommes, et retrancher tout le reste.

La théologie est dans la religion ce que le poison est parmi les aliments.

En Angleterre, peu de fourbes, et point d’hypocrites : c’est la suite de leur gouvernement ; mais ce gouvernement est la suite de l’esprit de la nation.

Les rois et leurs ministres croient gouverner le monde. Ils ne savent pas qu’il est mené par des capucins et gens de cette espèce : ce sont ces prêtres obscurs qui mettent dans les têtes des opinions souveraines des rois.

Le médecin Colladon[1], voyant le père de Tronchin prier Dieu plus dévotement qu’à l’ordinaire, lui dit : « Monsieur, vous allez faire banqueroute ; payez-moi. »

Le comte de Könismarck, depuis général des Vénitiens, pressé par Louis XIV de se faire catholique, lui répondit : « Sire, si vous voulez me donner trente mille hommes, je vous promets de rendre toute la France turque en moins de deux ans. »

J’ai ouï dire au duc de Brancas que Louis XIV, après la bataille de Ramillies, avait dit : « Est-ce que Dieu aurait oublié ce que j’ai fait pour lui ? »

Culte, nécessaire ; vertu, indispensable ; crainte de l’avenir, utile ; dogme, impertinent ; dispute sur le dogme, dangereuse : persécution, abominable ; martyr, fou. — La religion est, entre l’homme et Dieu, une affaire de conscience ; entre le souverain et le sujet, une affaire de police ; entre homme et homme, de fanatisme et d’hypocrisie. Les petits embrassent les sectes pour

  1. Voltaire a parlé plusieurs fois des Colladon, ancienne famille de Genève.