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292 REMARQUES SUR LES IIORAGES.

Vers 59. Vengez-vous d'un ingrat, [uinisscz un volage.

J'ose pons(M' qiUii y a ici plus (rartifico et de subtilité que de naliirel. On sent trop ([ue Curiace ne parle pas sérieusement. Ce trait de rhéteur refroidit ; mais Camille répond avec des senti- ments si vrais qu'elle couvre tout d'un coup ce petit défaut.

Vers peu <Hiel uialiieur, si l'amour de sa feiiimo

Ne peut non plus sur lui ipie le mien sur ton àme!

n'est pas français; la grammaire demande: ne peut pas plus sur lui. Ces deux vers ne sont pas bien faits; il ne faut })as s'attendre à trouver dans Corneille la pureté, la correction, l'élégance du style: ce mérite ne fut connu que dans les beaux jours du siècle de Louis XIV. C'est une réflexion que les lecteurs doivent faire souvent pour justifier Corneille, et pour excuser la multitude des notes du commentateur.

��SCÈNE MK

Vers 5. Non, non, mon frère, non, je ne viens en ce lieu Que pour vous embrasser et pour vous dire adieu.

Ces trois non, et en ce lieu, font un mauvais elïet. On sent que le lieu est pour la rime, et les non redoublés pour le vers. Ces négligences, si pardonnables dans un bel ouvrage, sont remar- quées aujourd'hui. Mais ces termes, en ce lieu, en ces lieux, cessent d'être une expression oiseuse, une cheville, quand ils signifient qu'on doit être en ce lieu plutôt qu'ailleurs.

Vers 7. Votre sang est trop bon, n'en craignez rien de lâche, Rien dont la fermeté de ces grands cœurs se fâche.

Se fâche est trop faible, trop du style familier ; mais le lecteur doit examiner quelque chose de plus important : il verra que cette scène de Sabine n'était pas nécessaire, qu'elle ne fait pas un coup de théâtre, que le discours de Sabine est trop artifi- cieux, que sa douleur est trop étudiée, que ce n'est qu'un effort de rhétorique. Cette proposition, qu'un des deux la tue et que l'autre la venge, n'a pas l'air sérieuse ; et d'ailleurs cela n'empê-

1. Sur le vers de celte scène :

Que l'un de vous me tue, et que l'autre me venge, voyez la remarque sur le vers Ci de la i' scène de l'acte IV de Hodogune.

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