Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/344

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Vers 167. Le pire des États, c’est l’État populaire.

Quelle prodigieuse supériorité de la belle poésie sur la prose ! Tous les écrivains politiques ont délayé ces pensées; aucun a-t-il approclié de la force, de la ])rofondeur, de la netteté, de la précision de ces discours de Cinna et de .Maxime? Tous les corps de rÉtat auraient dû assister à cette pièce, pour apprendre à penser et a parler. Ils ne faisaient que des harangues ridiciilps, qui sont la honte de la nation. Corneille était un maître dont ils avaient besoin. Mais un préjugé, plus barbare encore que ne rétait Féloquence du barreau et de la chaire, a souvent empêché plusieurs magistrats très-éclairés d’imiter Cicéron et Horlensius, qui allaient entendre des tragédies fort inférieures à celles de Corneille. Ainsi les hommes pour qui ces pièces étaient faites ne les voyaient pas. Le parterre n’était pas digne de ces tableaux de la grandeur romaine. Les femmes ne voulaient que de l'amour : bientôt on ne traita plus que l’amour, et par là on fournit à ceux que leurs petits talents rendent jaloux de la gloire des spectacles un malheureux prétexte de s’élever contre le premier des beaux-arts. Nous avons eu un chancelier’ qui a écrit sur l’art dramatique, et on a observé que de sa vie il n’alla au spectacle ; mais Scipion, Caton, Cicéron, César, y allaient.

Vers 203. Les changements d’état que fait l'ordre céleste

Ne coûtent point de sang, n’ont rien qui soit funeste.

J’ai peur que ces raisonnements ne soient pas de la force des autres : ce que dit Maxime est faux ; la plupart des révolutions ont coûté du sang, et d’ailleurs tout se fait par l’ordre céleste. La réponse que c’est un ordre immuable du ciel de vendre cher ses bienfaits semble dégénérer en dispute de sophiste, en question d’école, et trop s’écarter de cette grande et noble politique dont il est ici question.

Vers 209. Donc votre aiCul Pompée au ciel a résisté Quand il a combattu pour notre liberté ?

L’objection de votre aïeul Pompée est pressante ; mais Ginna n’y répond que par un trait d’esprit. Voilà un singulier honneur fait aux mânes de Pompée, d’asservir Rome pour laquelle il combattait. Pourquoi le ciel devait-il cet honneur à Pompée? Au con-

1. Le cliancclicr d’Agucsseau. Voyez dans ses OEuvres, t. XVL in-8", p. 243-288. les Remarques sur le Dismurs qui a pour titre : de l’Imitation par rapport à la tragédie.