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358 REMARQUES SUR CINNA.

neille, qui corrigea quelques vers dans cette pièce, ne réforma- t-ii pas ceux-ci ? N'avait-il pas un ami ?

Vers 25. Quo de sujets de craindre et de désespérer,

Sans que mon triste C(rur en daigne murmurer !

Cela n'est pas naturel. Emilie doit être au désespoir d'avoir conduit son amant au supplice. Le reste n'est-il pas un peu de déclamation ? On entend toujours ces vers d'Emilie sans émo- tion ; d'où vient cette indifférence? C'est qu'elle ne dit pas ce que toute autre dirait à sa place; elle a forcé son amant à conspirer, à courir au supplice, et eUe parle de sa gloire ! et elle est fumante d'un courroux généreux ! Elle devrait être désespérée, et non pas fumante.

Vers 37. Et je veux bien périr comme vous l'ordonnez, Et dans la même assiette oij vous me retenez.

Pourquoi les dieux voudraient-ils qu'elle mourût dans cette assiette ? Qu'importe qu'elle meure dans cette assiette ou dans une autre ? Ce qui importe, c'est qu'elle a conduit son amant et ses amis à la mort.

��SCÈNE VI.

Vers 1, Mais je vous vois, Maxime, et l'on vous faisoit mort!

Ne dissimulons rien, cette résurrection de Maxime n'est pas une invention heureuse. Qu'un héros qu'on croyait mort dans un combat reparaisse, c'est un moment intéressant ; mais le pu- blic ne peut souffrir un lâche que son valet avait supposé s'être jeté dans la rivière. Corneille n'a pas prétendu faire un coup de théâtre, mais il pouvait éviter cette apparition inattendue d'un homme qu'on croit mort, et dont on ne désire point du tout la vie; il était fort inutile à la pièce que son esclave Euphorbe eût feint que son maître s'était noyé.

Vers 18. En faveur do Cinna je fais ce que je puis.

Maxime joue le rôle d'un misérable : pourquoi l'auteur, pou- vant l'ennoblir, l'a-t-il rendu si bas? Apparemment il cherchait un contraste ; mais de tels contrastes ne peuvent guère réussir que dans la comédie.

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