Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SUR LES PENSÉES DE PASCAL. 27

tout oiitior qu'il faut former; cl il ne faut abandonner au hasard ni aucun instant de la vie, ni l'elTet d'aucun des objets qui peuvent agir sur lui. C.

Platon n'a pas eu ces idées, monsieur; c'est vous qui les avez. Platon fit de nous des androgynes à deux corps, donna des ailes à nos âmes, et les leur ôta. Platon rêva sublimement, comme je ne sais quels autres écrivains ont rêvé bassement ^ V.

LXXXIIL — Quelle chimère est-ce donc que l'homme! quelle nou- veauté! quel chaos! quel sujet de contradiction! Juge de toutes choses, im- bécile ver de terre, dépositaire du vrai, amas^ d'incertitude, gloire et rebut de l'univers. S'il se vante, je l'abaisse; s'il s'abaisse, je le vante, et le con- tredis toujours, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il est un monstre incompré- hensible. P.

Vrai discours de malade. V.

LXXXIV. Tout ce que nous voyons du monde n'est qu'un trait imper- ceptible dans l'ample sein de la nature. Nulle idée n'approche de l'étendue de ses espaces. Nous avons beau enfler nos conceptions, nous n'enfantons que des atomes au prix de la réalité des choses. C'est une sphère infinie, dont le centre est partout, la circonférence nulle part. P.

Cette belle expression est de Timée de Locres^; Pascal était digne de l'inventer, mais il faut rendre à chacun son bien. V.

LXXXV. — Qu'est-ce que l'homme dans la nature? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout. Il est infiniment éloigné des deux extrêmes; et son être n'est pas moins distant du néant d'où il est tiré que de l'infini où il est englouti. Son intelligence tient, dans l'ordre des choses intelligibles, le même rang que son corps dans l'étendue de la nature; et tout ce qu'elle peut faire est d'apercevoir quelque apparence du milieu des choses, dans un désespoir éternel de n'en con- naître ni le principe ni la fin. Toutes choses sont sorties du néant et jxtr- tées jusqu'à l'infini. Qui peut suivre ces étonnantes démarches? L'auteur de ces merveilles les comprend ; nul autre ne peut le faire.

Cet état, qui tient le milieu entre les extrêmes, se trouve en toutes nos puissances.

Nos sens n'aperçoivent rien d'extrême. Trop de bruit nous assourdit, trop de lumière nous éblouit, trop de distance et trop de proximité empêchent la vue, trop de longueur et trop de brièveté obscurcissent un discours, trop de plaisir incommode, trop de consonnances déplaisent. Nous ne sentons ni

1. Allusion à l'école de d'Holbach. (G. A.)

2. Pascal a écrit cloaque.

3. La pensée attribuée par Voltaire à Timée de Locres est de Mercure Trismé- giste ; voyez la note, tome XVIII, page 521 .

4. Dans la musique. Il y a là beaucoup de lacunes.

�� �