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40i REMARQUES SUR l'OLVEUCTE.

Vers 60. Il nrùle des périls (jiie j'aurois pu courir.

On ii'ote point des périls. On vous sauve d'un péril; on détourne un péril ; on vous arraclie à un péril.

Vers 67. Et, sans me laisser lieu de tourner en arrière... Sans me laisser lieu, expression de prose rampante.

Vers 68. Sa faveur me couronne entrant dans la carrière; Du premier coup de vcnl il me conduit au port; Et, sortant du baptême, il m'envoie à la mort.

Observez que voilà quatre vers qui disent tous la même chose : c'est une carrihre, c'est un pori, c'est la morl. Cette supcriluité fait quelquefois languir une idée ; une seule image la fortifierait. Une seule métaphore se présente naturellement à un esprit rempli de son objet; mais deux ou trois métaphores accumulées sentent le rhéteur. Que dirait-on d'un homme qui, en revenant dans sa patrie, dirait : Je rentre dans mon nid, f arrive au port à pleines voiles, je reviens a bride abattue'? C'est une règle de la vraie éloquence, qu'une seule métaphore convient à la passion.

Vers 73. Cruel! car il est temps que ma douleur éclate...

Est-ce là ce beau feu? Sont-ce là tes serments? etc.

Il me semble que ce couplet est tendre, animé, douloureux, naturel, et très à sa place.

Vers 98. Hélas! — Que cet hélas a de peine à sortir!

Cet hélas est un peu familier, maisil est attendrissant, quoique le mot sortir ne soit pas noble.

Vers 107. Seigneur, de vos bontés il faut que je l'obtienne.

Je me souviens qu'autrefois l'acteur qui jouait Polyeucte, avec des gants blancs et un grand chapeau, ôtaitses gants et son cha- peau ])our fiiire sa prière à Dieu. Je ne sais pas si ce ridicule subsiste encore '.

Vers 108. Elle a trop de vertu pour n'être pas chrétienne

est un vers admirable. On a beau dire qu'un maliométan en di- rait autant à Constantinople de sa femme si elle était chrétienne:

��1. Voltaire écrit tout cela à Ferney, loin de Paris. Mais il savait bien que ce ridicule ne subsistait plus, puisque c'était lui-même qui avait réformé le

théâtre. (G. A.)

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