Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Coutume n’est pas ici le mot propre. Ce n’est pas par coutume qu’on croit qu’il fera jour demain : c’est par une extrême probabilité. Ce n’est point par les sens, par le corps que nous nous attendons à mourir ; mais notre raison, sachant que tous les hommes sont morts, nous convainc que nous mourrons aussi. L’éducation, la coutume fait sans doute des musulmans et des chrétiens, comme le dit Pascal ; mais la coutume ne fait pas croire que nous mourrons, comme elle nous fait croire à Mahomet ou à Paul, selon que nous avons été élevés à Constantinople ou à Rome. Ce sont choses fort différentes. V.

CX. — La vraie religion doit avoir pour marque d’obliger à aimer Dieu[1]. Cela est bien juste. Et cependant aucune autre que la notre ne l’a ordonné[2]. Elle doit encore avoir connu la concupiscence de l’homme, et l’impuissance où il est par lui-même d’acquérir la vertu. Elle doit y avoir apporté les remèdes, dont la prière est le principal. Notre religion a fait tout cela ; et nulle autre n’a jamais demandé à Dieu de l’aimer et de le suivre. P.

Épictète esclave, et Marc-Aurèle empereur, parlent continuellement d’aimer Dieu et de le suivre. V.

CXI. — Dieu étant caché, toute religion qui ne dit pas que Dieu est caché n’est pas véritable. P.

Pourquoi vouloir toujours que Dieu soit caché ? On aimerait mieux qu’il fût manifeste. V.

CXII. — C’est en vain, ô hommes ! que vous cherchez dans vous-mêmes le remède à vos misères : toutes vos lumières ne peuvent arriver qu’à connaître que ce n’est point en vous que vous trouverez ni la vérité, ni le bien. Les philosophes vous l’ont promis ; ils n’ont pu le faire. Ils ne savent ni quel est votre véritable bien, ni quel est votre véritable état. Comment auraient-ils donné des remèdes à vos maux, puisqu’ils ne les ont pas seulement connus ? Vos maladies principales sont l’orgueil, qui vous soustrait à Dieu, et la concupiscence, qui vous attache à la terre ; et ils n’ont fait autre chose qu’entretenir au moins une de ces maladies. S’ils vous ont donné Dieu pour objet, ce n’a été que pour exercer votre orgueil[3]. Ils vous ont fait penser que vous lui êtes semblables[4] par votre nature. Et ceux qui ont vu la vanité de cette prétention vous ont jetés dans l’autre précipice, en vous faisant

  1. Son Dieu.
  2. Voici quel est ensuite le texte exact : …… la nôtre l’a fait. Elle doit encore avoir connu la concupiscence et l’impuissance : la nôtre l’a fait. Elle doit y avoir apporté les remèdes : l’un est la prière. Nulle religion n’a demandé à Dieu de l’aimer et de le suivre.
  3. Votre superbe.
  4. Et conformes.