Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/474

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i6i RKMAlinUES SUR POMPÉE.

tuuié notre nation *. Il n'y a presque pas un vers dans cette scène de César qui ne fasse souhaiter au lecteur que Corneille eût en efTet secoué ce joug de l'habitude, (]ui le forçait à faire parler damour tous ses héros. « Ce moment qu'il l'a quittée — a d'un trouble plus grand son âme agitée — que tout le tumulte et le trouble excité dans la ville. Mais il pardonne à ce tumulte en faveur du simple souvenir du bonheur dont il a une haute espérance, qui le flatte d'une illustre apparence. Il n'est pas tout à fait indigne des feux de Cléopàtre, et il en peut prétendre une juste conquête, n'ayant que les dieux au-dessus de sa tête. Son bras ambitieux a combattu dans Pharsale, non pas pour vaincre Pompée, mais pour mériter Cléopàtre. Ce sont ses divins appas qui enflaient le courage de César ; ce sont ses beaux yeux qui ont gagné la bataille. »

La pureté de la langue est aussi blessée que le bon goût dans toute cette tirade. Le reste de la scène enchérit encore sur ces défauts ; il veut que cette ingrate de P»ome prie Cléopàtre de se livrer à lui, et d'en avoir des enfants. Il ne voit que ce chaste amour; mais las! contre soji feu son feu le sollicite, etc.

Ne perdons point de vue que les héros ne parlaient point au- trement dans ce temps-là ; et même lorsque llacinc donna son Alexandre, il fit tenir les mômes discours à Cléophile ; les vers étaient plus purs à la vérité, mais Alexandre n'en était pas moins avili. Pardonnons à Corneille de ne s'être pas toujours élevé au- dessus de son siècle. Imputons à nos romans ces défauts du théâtre, et plaignons le plus beau génie qu'eut la France d'avoir été asservi aux plus ridicules usages.

Gardez-vous de donner, ainsi que dans Clélle, L'air ni l'esprit français à l'antique Italie, Et, sous des noms romains faisant notre portrait, I^oindre Caton galant et Ce'sflr damerot.

(BoiLEAU, Art poétique, 111,115-118.1

Vers 1. lîeine, tout est paisible; et la ville calmée,

Qu'un trouble assez léger avoit trop alarmée. N'a plus il redouter le divorce intestin Du soldat insolent et du |)euple mutin.

Divorce inlestin, e\])ression impropre et désagréable.

��i. Voyez Dictionnaire philosopliiqiie, au mot Espitrr, section iv, lomc XIX, page 21 et suiv. ; et au mot Goit, page 280.

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