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528 REMARQUES SUR THÉODORE.

Qui aurait jamais pu s'attendre à voir une âme résolue con- server une épouse inipollue à l'époux sans macule? Jusqu'où Corneille s'est-il oublié ! jusqu'à quel abaissement est-il descendu I Ce n'est pas seulement l'excès du ridicule (jui étonne ici, c'est la résignation de celle bonne fille, qui prend son parti d'aller dans un mauvais lieu s'abandonner à la canaille, et qui se console en songeant qu'elle n'y consentira pas.

Dieu soit, Dieu soit, dit le saint personnage, Dieu soit loué! je l'ai fait sans péché'.

SCÈNE III.

Vers 9. Et lorsque vous pouviez jouir de vos dédains. Si j'osois quelquefois les nommer iniiumains, Je les justifiois dedans ma conscience, etc.

Voilà comme Corneille parle d'amour quand il n'est pas guidé par Guillem de Castro, et quand il n'a que l'amour à faire parler: c'est le style des romans de son temps; c'est le style de ses co- médies. Rien n'est plus insipide, plus bourgeois, plus dégoûtant, que le langage purement amoureux qui a déshonoré toujours le théâtre français. Racine, au moins, par la pureté de sa diction, par l'harmonie des vers, par le choix des mots, par un style aussi soigné que naturel, ennoblit un peu ce petit genre, et ré- chauffe la froideur de ce langage. Je ne parle pas ici de cet amour passionné, furieux, terrible, qui entre si bien dans la vraie tragédie ; je parle des déclarations d'Antiochus, de Xipharès, de Pharnace, d'IIippolyte; je parle des scènes de coquetterie; je parle de ces amours plus propres à l'idylle et à la comédie qu'à la tragédie, dont il a seul soutenu la faiblesse par le charme de la poésie, et par des sentiments vrais et délicats, inconnus à tout autre qu'à lui.

Vers 63. N'espérez pas, seigneur, que mon sort déplorable

Me puisse à votre amour rendre plus favorable, etc.

Vers 99. L'amant si fortement s'unit à ce qu'il aime

Qu'il en fait dans son cœur une part de lui-même.

Ce couplet de Théodore est fort beau, quoique trop long, et quoiqu'il y ait une affectation condamnable à parler d'un amant

1. J.-B. Rousseau, épigramme nxvhi du livio IV, édUioii de Paris, Lofèvre, '18'20, cinq volumes in-8".

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