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544 REMARUUES SUK KOlJUGLNli.

Vers 29. l'Hic v;iul liicn iiii Iroiic, il fiiiil ([ue jo k' die.

— \-A\g vaut il mes yeux tout cc^ ([ircn a TAsic.

Ces discours sont (Tiin style familier, et // faut que je le die est plus qu'inutile, car lorsqu'on se sert de ces tours: // faui que je le dise, que je l'avoue, que j'en convienne, c'est pour exprimer sa répu- gnance. Mon ennemi a des vertus, il faut que j'en convienne. Je vais vous apprendre une chose désagréable, mais il faut que je la dise. Antiochus n'a aucune répugnance à dire que Rodogune est pré- férable aux trônes de l'Asie.

Vers 31 . Vous l'aimez donc, mon frère? — Et vous l'aimez aussi.

Plusieurs critiques demandent comment deux frères si unis, et qui n'ont tous deux qu'un même sentiment, ont pu se cacher une passion dont l'aveu involontaire échappe à tous ceux qui l'éprouvent? Comment ne se sont-ils pas au moins soupçonnés l'un l'autre d'être rivaux? Quoi! tous deux débutent par se céder le trône pour une maîtresse! A peine serait-il permis d'abandon- ner son droit à une couronne pour une femme dont on serait adoré, et deux princes commencent par préférer à l'empire une femme à laquelle ils n'ont pas seulement déclaré leur amour!

C'est au lecteur à s'interroger lui-même, à se demander quel effet cette idée fait sur lui, si ce double sacrifice est vraisem- blable, s'il n'est pas un peu romanesque. Mais aussi il faut consi- dérer que ces princes ne cèdent pas absolument le trône, mais un droit incertain au trône. Voilà ce qui les justifie.

Vers 39. mon cher frère! à nom pour un rival trop doux !

répare tout d'un coup ce que leur proposition semble avoir de trop aviUssant et de trop concerté; mais ces répétitions par écho: que m ferais-je point contre un autre! sont-elles assez nobles, assez tragiques, et d'un assez bon goût?

Vers 42. Amour, qui doit ici vaincre de vous ou d'elle?

Cette apostrophe à l'amour est-elle digne de la tragédie ? Vers 43. L'amour, l'amour doit vaincre.

Cette réponse ne sent-elle pas un peu plus l'idj lie que la tra- gédie? Remarquez que Racine, qui a tant traité l'amour, n'a jamais dit l'amour doit vai)icre. Il n'y a pas une maxime pareille, même di{ns Bérénice. En général, ces maximes ne touchent jamais. Tous ceux qui ont dit que Racine sacrifiait tout à l'amour, et que les héros de Corneille étaient toujours supérieurs à cette

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