Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/556

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

546 REMARQUES SUR RODOGUNE.

Yers 89. Ainsi co qui jadis perdit Tlirljcs et Troie,

Dans nos cœurs mieux unis ne versera que joie.

Ne rcrscm que joie ne so dirait pas aujourcriuii, et c'était même alors une faute ; on ne verse point joie. La scène est l)elle pour le fond, et les sentiments rembellissent encore.

On demande à présent un style plus châtié, plus élégant, plus soutenu : on ne pardonne plus ce qu'on pardonnait à un grand homme qui avait ouvert la carrière, et c'est à présent sur- tout qu'on peut dire :

Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus divin Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant écrivain ^

Quand des pièces romanesques réussissent de nos jours au théâtre par les situations, si elles fourmillent de barbarismes, d'obscurités, de vers durs, elles sont regardées par les connais- seurs comme de très-mauvais ouvrages. Je crois que, malgré tous ses défauts, cette scène doit toujours réussir au théâtre. L'amitié tendre des deux frères touche d'abord. On excuse leur dessein de céder le trône, parce qu'ils sont jeunes, et qu'on par- donne tout à la jeunesse passionnée et sans expérience; mais surtout parce que leur droit au trône est incertain, La bonne foi avec laquelle ces princes se parlent doit plaire au public. Leurs réflexions, que Rodogune doit appartenir à celui qui sera nonmié roi, forment tout d'un coup le nœud de la pièce ; et le triomphe de l'amitié s\ir l'amour et sur l'ambition finit cette scène parfai- tement.

SCÈNE \l.

Vers 1 . Peut-on plus dignement mériter la couronne?

Mérite)' plus dir/nement signifie à la lettre être di(jim plus dir/ne- ment. C'est un pléonasme, mais la faute est légère.

Vers 5. Mais, de grâce, achevez l'histoire commencée.

— Pour la reprendre donc où nous l'avons laissée...

Ces discours de confidents, cette histoire interrompue et re- commencée, sont condamnés universellement.

Tous deux débrouillant mal une pénible intrigue. D'un divertissement me font une fatigue^.

I. Boilcaii, Art poétique, I, lGl-62. '2. Und., 111, 31-3-2.

��»

�� �