584 REiMARQUES SUR RODOGUXE.
puisse lui dire: Aommcz les assassins? Quel faux artifice! Ne les connaît-il pas? Ne sait-il pas que c'est sa mère? .\e s'en est-elle pas vantée à lui-mênie? Je n'ai point de termes pour exprimer la peine que me font les fautes de ce grand homme; elles conso- lent au moins, en faisant voir l'extrême difficulté de faire une bonne pièce de théâtre.
Vers 49. Ah! je vois trop régner son parti dans votre àme :
Prince, vous le prenez? — Oui, je le prends, madame.
Quelle froideur dans de tels éclaircissements, et quelles étranges expressions! Vous le prenez? Oui, je le prends. Je ne parle pas ici du sens ridicule que les jeunes gens attribuent à ces pa- roles, je parle de la bassesse des mots.
Vers 59. De deux princes unis à soupirer pour vous,
Prenez l'un pour victime, et l'autre pour époux.
11 fallait au moins unis en soupirant, car on ne peut dire unis a soupirer.
Vers 61. Punissez un des fils des crimes de là mère.
Peut-on sérieusement dire à Hodogune : Tuez l'un de nous deux, et épousez l'autre; et se complaire dans cette pensée aussi froide que barbare, et la retourner en deux ou trois façons?
Corneille fait dire à Sabine, dans les Horaces^:
Que l'un de vous me tue, et que l'autre me venge.
11 répète ici cette pensée; mais il la délaye, il la rend insipide: tous ces froids efforts de l'esprit ne sont que des amplifications de rhéteur. Ce n'est pas là Virgile, ce n'est pas là Racine.
Vers 68. llélas, prince! — Est-ce encor le roi que vous plaignez? Ce soupir ne va-t-il que vers l'ombre d'un père ?
Enfin Rodogune passe tout d'un cou|) de l'assassinat à la tendresse. La petite finesse du soupir qui va vers l'ombre d'un père, et Rodogune qui tremble d'aimer, forment ici une pas- torale. Quel contraste! est-ce là du tragique? La proposition d'assassiner une mère est d'une furie; et cet hèlas et ce soupir sont d'une bergère. Tout cela n'est que trop vrai; et, encore une fois, il faut le dire et le redire.
Ibid. Est-ce encor le roi (|ue vous plaignez?
1. Acte II, sci'iie VI.
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