Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/608

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

•398 REMARQUES SUR RODOGUNE.

palais pour aller au bout d'une allée sombre assassiner son beau- frère, auquel elle ne pense seulement pas? Il est très-beau qu'An- tiochus puisse balancer onfrc sa maîtresse et sa mère ; mais mal- heureusement on ne pouvait guère amener cette belle situation qu'aux dépens de la vraisemblance.

Le succès prodigieux de cette scène est une grande réponse à tous ces critiques, qui disent à un auteur : Ceci n'est i)as assez fondé ; cela n'est pas assez préparé. L'auteur répond : J'ai touclié, j'ai enlevé le public ; l'auteur a raison, tant que le public applau- dit. Il est pourtant infiniment mieux de s'astreindre à la plus exacte vraisemblance ; par là on plaît toujours, non-seulement au public assemblé, qui sent plus qu'il ne raisonne, mais aux cri- tiques éclairés, qui jugent dans le cabinet : c'est même le seul moyen de conserver une réputation pure dans la postérité.

Vers 80. Nous avons mal servi vos haines mutuelles, Aux jours l'une de l'autre également cruelles.

Des haines cruelles aux jours l'une de l'autre; cela n'est pas fran- çais.

Vers 92. Puis-je vivre et traîner cette gêne éternelle ?

On ne traîne point une gêne. Mais le discours d'Antiochus est si beau que cette légère faute n'est pas sensible.

Vers 97. Tirez-moi de ce trouble, ou souffrez que je meure; Et que mon déplaisir, par un coup généreux, Épargne un parricide à l'une de vous deux.

Il faudrait désespoir plutôt que déplaisir. Vers 112. Elle a soif de mon sang ; elle a voulu l'épandre.

Épandre était un terme heureux qu'on employait au besoin au lieu de répandre; ce mot a vieilli. Vers 113. Sur la foi de ses pleurs je n'ai rien craint de vous.

Ce plaidoyer de Cléopâtre n'est pas sans adresse ; mais ce vain artifice doit être senti par Antiochus, qui ne peut, en aucune façon, soupçonner Rodogune.

Vers 131. Si vous n'avez un charme à vous justifier.

Cela n'est pas français, et ce dernier vers ne finit pas heureu- sement une si belle tirade.

Vers 132. Je me défendrai mal. L'innocence étonnée

Ne peut s'imaginer (|u'elle soit soupçonnée, etc.

On n'a rien à dire sur ces deux plaidoyers de Cléopâtre et de Rodogune. Ces deux princesses parlent toutes deux comme elles

�� �