Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/68

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du Saint-Esprit. Or tout cela se fit pour remplir ce que le Seigneur a dit par son prophète : Une vierge en aura dans le ventre, et elle fera un enfant, et on appellera son nom Emmanuel. »

On a remarqué sur ce passage que c’est le premier de tous dans lequel il est parlé du Saint-Esprit. Un enfant fait par cet esprit est une chose fort extraordinaire ; un ange venant annoncer ce prodige à Joseph dans un songe n’est pas une preuve bien péremptoire de la copulation de Maria avec ce Saint-Esprit. L’artifice de dire que « cela se fit pour remplir une prophétie » paraît à plusieurs trop grossier : Jésu ne s’est jamais nommé Emmanuel. L’aventure du prophète Isaïe, qui fit un enfant à la prophétesse sa femme, n’a rien de commun avec le fils de Maria. Il est faux et impossible que le prophète Isaïe ait dit (voyez ch. vii, v. 14) : « Voici qu’une vierge en aura dans le ventre, » puisqu’il parle de sa propre femme (voyez ch. viii, v. 3), à qui il en mit dans le ventre. Le mot alma, qui signifie jeune fille signifie aussi femme. Il y en a cent exemples dans les livres des Juifs, et la vieille Ruth, qui vint coucher avec le vieux Booz, est appelée alma. C’est une fraude honteuse de tordre et de falsifier ainsi le sens des mots pour tromper les hommes ; et cette fraude a été mise en usage trop souvent et trop évidemment. Voilà ce que disent les savants ; ils frémissent quand ils voient les suites qu’ont eues ces paroles : « Ce qu’elle a dans le ventre est l’œuvre du Saint-Esprit ; » ils voient avec horreur plus d’un théologien, et surtout Sanchez, examiner scrupuleusement si le Saint-Esprit, en couchant avec Marie, répandit de sa semence, et si Marie répandit la sienne avant ou après le Saint-Esprit, ou en même temps. Suarez, Peromato, Silvestre, Tabiena, et enfin le grand Sanchez, décident que « la bienheureuse Vierge ne pouvait devenir mère de Dieu si le Saint-Esprit et elle n’avaient répandu leur liqueur ensemble[1]. »

TROISIÈME DOUTE.

L’aventure des trois mages qui arrivent d’orient, conduits par une étoile ; qui viennent saluer Jésu dans une étable, et lui donner de l’or, de l’encens, et de la myrrhe, a été un grand sujet de scandale. Ce jour n’est célébré chez les chrétiens, et surtout chez les papistes, que par des repas de débauche et par des chansons. Plusieurs ont dit que si l’Évangile de Matthieu était à refaire, on

  1. Voyez de Sancto Matrimonii Sacramento, tome I, page 141. (Note de Voltaire.) — Voyez tome XXI, page 336 ; et XXIV, 99.