Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/92

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Il n’était guère possible que quand un saint Théodore s’avisa de brûler, par dévotion, le temple de Cybèle dans Amasée, avec tous ceux qui demeuraient dans ce temple, on ne fît pas justice de cet incendiaire. On devait sans doute punir l’énergumène Polyeucte, qui alla casser toutes les statues du temple de Mélitène, lorsqu’on y remerciait le ciel pour la victoire de l’empereur Décius. On eut raison de châtier ceux qui tenaient des conventicules secrets dans les cimetières, malgré les lois de l’empire et les défenses expresses du sénat. Mais enfin ces punitions furent très rares. Origène lui-même l’avoue, on ne peut trop le répéter. « Il y a eu, dit-il, peu de persécutions, et un très petit nombre de martyrs, et encore de loin en loin[1]. »

Notre Dodwell[2] a fait main basse sur tous ces faux martyrologes inventés par des moines pour excuser, s’il se pouvait, les fureurs infâmes de toute la famille de Constantin. Élie Dupin, l’un des moins déraisonnables écrivains de la communion papiste, déclare positivement que les martyres de saint Césaire, de saint Nérée, de saint Achille, de saint Domitille, de saint Hyacinthe, de saint Zénon, de saint Macaire, de saint Eudoxe, etc., sont aussi faux et aussi indignement supposés que ceux des onze mille soldats chrétiens et des onze mille vierges chrétiennes[3].

L’aventure de la légion fulminante et celle de la légion thébaine sont aujourd’hui sifflées de tout le monde. Une grande preuve de la fausseté de toutes ces horribles persécutions, c’est que les chrétiens se vantent d’avoir tenu cinquante-huit conciles dans leurs trois premières centuries : conciles reçus ou non reçus à Rome, il n’importe. Comment auraient-ils tenu tous ces conciles s’ils avaient été toujours persécutés ?

Il est certain que les Romains ne persécutèrent jamais personne, ni pour sa religion, ni pour son irréligion. Si quelques chrétiens furent suppliciés de temps à autre, ce ne put être que pour des violations manifestes des lois, pour des séditions : car on ne persécutait point les Juifs pour leur religion. Ils avaient leurs synagogues dans Rome, même pendant le siège de Jérusalem par Titus, et lorsque Adrien la détruisit après la révolte et les cruautés horribles du messie Barcochébas. Si donc on laissa ce peuple en paix à Rome, c’est qu’il n’insultait point aux lois de l’empire ; et si on punit quelques chrétiens, c’est qu’ils voulaient détruire

  1. Réponse à Celse, liv. III. (Note de Voltaire.)
  2. Dans son traité de Paucitate martyrum, que dom Ruinart prétendit réfuter. (M.)
  3. Bibliothèque ecclésiastique, siècle iii. (Note de Voltaire.)