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ACTE I, SCÈNE 1. I5J5

saient la tragédie à de simples conversations, que Corneille anima quelquefois par le feu de son génie.

Je n'ai fait aucune pièce de théâtre où se trouve tant d'art qu'en celle-ci, bien que ce ne soit qu'un ouvrage de deux mois.

Il eût bien mieux valu que c'eût été l'ouvrage de deux ans, et qu'il ne fût resté presque rien de ce qui fut fait en deux mois.

Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse, Et ne vous piquez point d'une folle vitesse *.

Il semble que Fouquet ait commandé à Corneille une tra- gédie pour lui être rendue dans deux mois, comme on com- mande un habit à un tailleur, ou une table à un menuisier. N'oublions pas ici de faire sentir une grande vérité : Fouquet n'est plus connu aujourd'hui que par un malheur éclatant, et qui même n'a été célèbre que parce que tout le fut dans le siècle de Louis XIV; l'auteur de Cinna, au contraire, sera connu à jamais de toutes les nations, et le sera même malgré ses dernières pièces et malgré ses vers à Fouquet, et j'ose dire encore malgré Œdipe. C'est une chose étrange que le difficile et concis La Bruyère, dans son parallèle de Corneille et de Racine -, ait dit les Horaces et Œdipe; mais il dit aussi Phèdre et Pénélope*. Voilà comme l'or et le plomb sont confondus souvent.

On disait Mignard et Lebrun. Le temps seul apprécie, et sou- vent ce temps est long.

��ACTE PREMIER 4 .

��SCENE I.

��Vers 3. La gloire d'obéir n'a rien qui me soit doux,

Lorsque vous m'ordonnez de m'éloigner de vous.

Jamais la malheureuse habitude de tous les auteurs français, de mettre sur le théâtre des conversations amoureuses, et de

1. Boileau, Art poétique, I, 163-64. k 2. Caractères, chapitre i er .

3. Pénélope est une tragédie de l'abbé Genest (1684); voyez ce que Voltaire en dit, à l'article Ge\est, dans le Catalogue des écrivains, en tète du Siècle de Louis XIV, tome XIV.

4. Comparez cette critique i'OEdipe, écrite à soixante-dix ans, à la lettre sur le même Œdipe, écrite à vingt-cinq ans ; voyez tome II.

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