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ACTE III, SCÈNE Y. 165

giemcnt. Je sais bien qu'à la l'arec dite italienne, on représente- rait Tirésie habillé en quinze-vingts, une tasse à la main. e1 que cela divertirait la populace; mais ceux quibus est equus et pat< res 1 , applaudiraient à une belle imitation de Sophocle. Si ce sujet n'a jamais été traité parmi nous comme il a dû l'être, accusons- en encore une fois la construction malheureuse de nos théâtres, autant que notre habitude méprisable d'introduire toujours une intrigue d'amour, ou plutôt de galanterie, dans les sujets qui excluent tout amour.

SCÈNE V.

Cette scène de Jocaste et de Thésée détruit l'intérêt qu'QEdipe commençait d'inspirer. Le spectateur voit trop bien que Thésée n*est pas le fils de Jocaste. On connaît trop l'histoire de Thésée, on aperçoit trop aisément l'inutilité de cet artifice. De plus, il faut bien observer qu'une méprise est toujours insipide au théâtre, quand ce n'est qu'une méprise, quand elle n'amène pas une cata- strophe attendrissante. Thésée se croit fils de Jocaste, et cela, dit-il, sans en avoir la preuve manifeste. Cela ne produit pas le plus petit événement. Thésée s'est trompé, et voilà tout. Cette aventure ressemble (s'il est permis d'employer une telle comparaison) à Arlequin qui se dit curé de Domfront, et qui en est quitte pour dire : « Je croyais l'être.»

Vers 80. Quoi! la nécessité des vertus et des vices

D'un astre impérieux doit suivre les caprices ? etc.

Ce morceau contribua beaucoup au succès de la pièce. Les disputes sur le libre arbitre agitaient alors les esprits. Cette tirade de Thésée, belle par elle-même, acquit un nouveau prix par les querelles du temps, et plus d'un amateur la sait encore par cœur.

Il y a dans ce beau morceau quelques expressions impropres et vicieuses, comme, « une nécessité de vertus et de vices qui suit les caprices d'un astre impérieux, un bras qui précipite d'en haut une volonté, rendre aux actions leur peine, enfoncer un œil dans un abîme » ; mais le beau prédomine. Ce couplet même n'est pas une déclamation étrangère au sujet; au contraire, des réflexions sur la fatalité ne peuvent être mieux placées que dans l'histoire d'OEdipe. Il est vrai que Thésée condamne ici les dieux, qui ont prédestiné Œdipe au parricide et à l'inceste.

t. Horace, Art poétique, '248.

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