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ACTE I, SCÈNE II. Is7

Qu’un cœur qu’ont endurci la fatigue el les ans Suivît d’un vain plaisir les conseils imprudents 1 ?

C’est là penser et parler comme il faut. Racine dit toujours ce qu’il doit dire dans la position où il met ses personnages, e1 le dit de la manière la plus noble et à la fois la plus simple, la plus élégante. Corneille, surtout dans ses dernières pièces, débite trop souvent des pensées ou fausses, ou mal placées, ou exprimées en solécismes, ou en termes bas, pires que des solécismes ; mais aussi il étincelle de temps en temps de beautés sublimes.

Vers 60. Que je le cache même à qui m’a su charmer.

Sertorius, que Viriate a su ebarmer! Ce n’est pas là Horace ou Curiace.

Vers G8. Qu’ils réduisent bientôt les deux peuples en un.

Mauvaise expression. En un, finissant un vers, choque l’oreille ; et réduire deux en un choque la langue.

Vers 81. Auprès d’un tel malheur, pour nous irréparable,

Ce qu’on promet pour l’autre est peu considérable ; Et sous un faux espoir de nous mieux établir, Ce renfort accepté pourroit nous affoiblir.

Observez comme ce style est confus, embarrassé, négligé, comme il pèche contre la langue. Auprès d’un tel malheur irréparable pour nous, ce qu’on promet pour l’autre est peu considérable. Quel est cet autre ? C’est Aristie, mais il faut le deviner ; et quel est ce renfort ? Est-ce le renfort du mariage d’Aristie ? Serait-il permis de s’exprimer ainsi en prose? Et quand une telle prose est en rimes, en est-elle meilleure?

Vers 97. Des plus nobles d’entre eux, et des plus grands courages, N’avez-vous pas les fils dans Osca pour otages?

On ne peut dire : Vous avez pour otages les fils des plus grands courages. Que la malheureuse nécessité de rimer entraîne d’impropriétés, d’inutilités, de termes louches, de fautes contre la langue ! Mais qu’il est beau de vaincre tous ces obstacles, et qu’on les surmonte rarement !

Vers 99 Leurs propres soldats,

Dispersés dans nos rangs, ont fait tant de combats...

1. Bajazet, acte I, scène i.