Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome32.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

190 REMARQUES SUR SERTORIUS.

sauve d'uD péril, et on tire d'une extrémité ;on rappelle des portes de la mort; on ne sauve point des abois. Au reste, ce mot abois est pris des cris des chiens qui aboient autour d'un cerf forcé, avant de se jeter sur lui.

Vers 65. Si votre hymen m'élève à la grandeur sublime...

Grandeur sublime n'est plus d'usage. Ce terme sublime ne s'em- ploie que pour exprimer les choses qui élèvent l'âme : une pensée sublime, un discours sublime. Cependant, pourquoi ne pas ap- peler de ce nom tout ce qui est élevé ? On doit, ce me semble, accorder à la poésie plus de liberté qu'on ne lui en donne. C'est surtout aux bons auteurs qu'il appartient de ressusciter des ter- mes abolis, en les plaçant avantageusement. Mais aussi remar- quons que rang sublime vaut bien mieux que grandeur sublime : pourquoi ? C'est que sublime joint avec rang est une épitbètc nécessaire : sublime apprend que ce rang est élevé ; mais sublime est inutile avec grandeur. Ne vous servez jamais d'épithètes que quand elles ajouteront heaucoup à la chose.

Vers (50. Tandis qu'en l'esclavage un autre hymen l'abîme.

Le mot d'abîme ne convient point à l'esclavage. Pourquoi dit- on abîmé dans la douleur, dans la tristesse, etc.? C'est qu'on y peut ajouter Pépithète de profonde; mais un esclavage n'est point pro- fond. On ne saurait y être abîmé. Il y a une infinité d'expres- sions louches qui font peine au lecteur; on en sent rarement la raison, on ne la cherche pas même; mais il y en a toujours une, et ceux qui veulent se former le style doivent la chercher.

Vers 69. Tout mon bien est encor dedans l'incertitude.

Il semble que son bien consiste à être incertaine. Quand on dit tout mon bien est dans V espérance, on entend que le bonheur consiste à espérer. L'auteur veut dire tout mon bien est incertain.

Vers 72. Tant que de cet espoir vous m'ayez répondu.

On ne répond point d'un espoir : on répond d'une personne, d'un événement. Tant que n'est pas ici français en ce sens.

Vers 78. J'adore les grands noms que j'en ai pour otages. El vois que leur secours, nous rehaussant le bras, Auroit bientôt jeté la tyrannie a bas.

Des noms pour otages, des secours qui rehaussent le bras, et qui jettent la tyrannie à bas, sont des expressions trop impropres, trop triviales; ce style est trop obscur et négligé. Un secours qui

�� �