REMARQUES SUR AGÈSILAS. 265
contraire, que cette nouveauté aurait réussi, et qu'on aurail pro- digué les louanges à ce génie si fécond et si varié, s'il n'avait pas entièrement négligé dans Agèsilas, comme dans les pièces précédentes, l'intérêt et le style.
Les vers irréguliers pourraient faire un très-bel effet dans une tragédie; ils exigent, à la vérité, un rhythme différenl de celui des vers alexandrins et des vers de dix syllabes; ils demandent un art singulier : vous pouvez voir quelques exemples de la per- fection de ce genre dans Quinault 1 :
Le perfide Renaud me fuit :
Tout perfide qu'il est, mon lâche cœur le suit.
11 me laisse mourante, il veut que je périsse.
A regret je revois la clarté qui me luit : L'horreur de l'éternelle nuit Cède à l'horreur de mon supplice, etc., etc.
Toute cette scène, bien déclamée, remuera les cœurs autant que si elle était bien chantée; et la musique même de cette ad- mirable scène n'est qu'une déclamation notée.
Il est donc prouvé que cette mesure de vers pourrait porter dans la tragédie une beauté nouvelle dont le public a besoin pour varier l'uniformité du théâtre.
Le lecteur doit trouver bon qu'on ne fasse aucun commen- taire sur une pièce qu'on ne devrait pas même imprimer : il serait mieux, sans doute, qu'on ne publiât que les bons ouvrages des bons auteurs ; mais le public veut tout avoir, soit par une vaine curiosité, soit par une malignité secrète, qui aime à re- paître ses yeux des fautes des grands hommes.
La tragédie à'Âgèsilas est à la vérité très-froide, et aussi mal écrite que mal conduite. Il y a pourtant quelques endroits où on retrouve encore un reste de Corneille. Le roi Agèsilas dit à Lysander 2 :
En tirant toute à vous la suprême puissance,
Vous me laissez des titres vains. On s'empresse à vous voir, on s'efforce à vous plaire : On croit lire en vos yeux ce qu'il faut qu'on espère; On pense avoir tout fait quand on vous a parlé. Mon palais près du vôtre est un lieu désolé... Général en idée, et monarque en peinture, De ces illustres noms pourrois-je faire cas.
1. Armide, acte V, scène v.
2. Acte III, scène i rc .
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