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ACTE I, SCENE I. (08

saïques, et qu'on sacrifie tous Les personnages à un seul. Cette pièce est au rang' de celles qu'on joue souvent, lorsqu'une actrice \ent se distinguer par un rôle capable de La faire valoir. La situation est très-touchante. Une femme qui a tout fait pour Thésée, qui l'a tiré du plus grand péril, qui s'est sacrifiée pour lui, qui se croit aimée, qui mérite de l'être, qui se voit trahie par sa sœur et abandonnée par son amant, est un des plus heureux sujets de l'antiquité. Il est bien plus intéressant que la Didon de Virgile, car Didon a bien moins fait pour Énée, et n'est point trahie par sa sœur; elle n'éprouve point d'infidélité, et il n'y avait peut-être pas là de quoi se brûler.

Il est inutile d'ajouter que ce sujet vaut infiniment mieux que celui de Mèdèe. Une empoisonneuse, une meurtrière ne peut tou- cher des cœurs et des esprits bien faits.

Thomas Corneille fut plus heureux dans le choix de ce sujet que son frère ne le fut dans aucun des siens depuis Rodogime ; mais je doute que Pierre Corneille eût mieux fait le rôle d'Ariane que son frère. On peut remarquer, en lisant cette tragédie, qu'il y a moins de solécismes et moins d'obscurités que dans les der- nières pièces de Pierre Corneille. Le cadet n'avait pas la force et la profondeur du génie de l'aîné ; mais il parlait sa langue avec plus de pureté, quoique avec plus de faiblesse. C'était d'ailleurs un homme d'un très-grand mérite, et d'une vaste littérature ; et si vous exceptez Racine, auquel il ne faut comparer personne, il était le seul de son temps qui fût digne d'être le premier au- dessous de son frère.

��ACTE PREMIER.

SCÈNE I.

Vers 4. Je le confesse, Arcas, ma foiblesse redouble, etc.

Ce rôle d'OEnarus est visiblement imité de celui d'Antiochus dans Bérénice, et c'est une mauvaise copie d'un original défec- tueux par lui-même. De pareils personnages ne peuvent être supportés qu'à l'aide d'une versification toujours élégante, et de ces nuances de sentiment que Racine seul a connues.

Le confident d'OEnarus avoue que sans doute Ariane est belle. OEnarus a vu Thésée rendre quelques soins à Mègiste et à Cijane;

32. — Comm. sur Corneille. II. 20

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