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148 REMARQUES SUB ARIANE.

attentats; et le ciel lui est témoin, si Ariane en doute, qu'il voudrait racheter de son sang ce que Ariane l'ail fort bien «le l'interrom- pre ; mais le mauvais style d'OEnarus la gagne. L'espérance qu'elle donne à GEnarus de l'épouser, (1rs qu'elle connaîtra sa rivale heureuse, esi d'un très-grand artifice. Son dessein esl de tuer cette rivale; c'esl devanl Phèdre qu'elle explique l'intérêl qu'elle a de connaître la personne qui lui enlève Thésée; et l'embarras de Phèdre ferail un très-grand plaisir au spectateur si le rôle de Phèdre était pins animé et mieux écrit.

SCÈNE III.

Vers 13. Et lorsque son amour a tant reçu du vôtre,

Vous le verrez sans peine entre les bras d'une autre? — Entre les bras d'une autre ! Avant ce coup, ma sœur, J'aime, je suis trahie, on connoîtra mon cœur.

Voilà de la vraie passion. La fureur d'une amante trahie éclate ici d'une manière très-naturelle. On souhaiterait seulement que Thomas Corneille n'eût point, dans cet endroit, imité son frère qui débite des maximes quand il faut que le sentiment parle. Ariane dit :

.Moins l'amour outragé fait voir d'emportement, Plus, quand le coup approche, il happe sûrement.

Il semble qu'elle débite une loi du code de l'Amour pour s'y conformer. Voilà de ces fautes dans lesquelles Racine ne tombe pas. D'ailleurs, tous les discours d'Ariane sont passionnés comme ils doivent l'être ; mais la diction ne répond pas aux sentiments, et c'est un défaut capital.

Vers 50. Il faut frapper par là, c'est son endroit sensible, etc.

Cette expression ridicule, et cette autre qui est un plat solé- cisme, elle me fait trahir; et celle-ci, consentir à ce que la rage a de plus sanglant, sont du style le plus incorrect et le plus lâche. Ce- pendant, à la représentation, le public ne sent point ces fautes; la situation entraîne ; une excellente actrice glisse sur ces sottises, et ne vous fait apercevoir que les beautés de sentiment. Telle est l'illusion du théâtre; tout passe quand le sujet est intéressant. 11 n'y a que le seul Racine qui soutienne constamment l'épreuve de la lecture.

Vers 67. Et pour ce qu'a quitte ma trop crédule foi, Je n'avois que ce cœur que je croyois à moi.

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