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336 REMARQUES SUR LE COMTE D'ESSEX.

inviolables ; mais ici que veut le comte d'Essex ? que veut Elisa- beth ? quel est le crime du comte? est-il accusé faussement? est- il coupable? si la reine le croit innocent, elle doit prendre sa défense; s'il est reconnu criminel, est-il raisonnable que la con- fidente dise qu'il n'implorera jamais sa grâce, qu'il est trop fier? La fierté est très-convenable à un guerrier vertueux et innocent, non à un homme convaincu de haute trahison. Qu'il fléchisse, dit la reine : est-ce bien là le sentiment qui doit l'occuper si elle l'aime? Quand il aura fléchi, quand il aura obtenu sa grâce, Elisabeth en sera-t-elle plus aimée ? Je l'aime, dit la reine, cent fuis plus que moi-même. Ah! madame, si vous avez la tête tournée à ce point, si votre passion est si grande, examinez donc l'affaire de votre amant, et ne souffrez pas que ses ennemis l'accablent et le persé- cutent injustement sous votre nom, comme il est dit, quoique faussement, dans toute la pièce.

SCÈNE III.

La scène du prétendu comte de Salsbury avec la reine a quelque chose de touchant ; mais il reste toujours cette inquiétude et cet embarras qui font peine. On ne sait pas précisément de quoi il s'agit. Le crime ne suit pas toujours l'apparence : craignez les injustices de ceux qui de sa mort se rendent les complices. La reine doit donc alors, séduite par sa passion, penser comme Salsbury, croire Essex innocent, mettre ses accusateurs entre les mains de la justice, et. faire condamner celui qui sera trouvé coupable.

Mais, après que ce Salsbury a dit que les injustices rendent complices les juges du comte d'Essex, il parle à la reine de clé- mence; il lui dit que la clémence a toujours eu ses droits, et qu elle est la vertu la plus digne des rois. Il avoue donc que le comte d'Essex est criminel. A laquelle de ces deux idées faudra-t-il s'arrêter? A quoi faudra-t-il se fixer? La reine répond qu'Essex est trop lier, que c'est l'ordinaire écueil des ambitieux, qu'il s'est fait un outrage des soins quelle a pris pour détourner l'orage, et que si la tête du comte fait raison à la reine de sa fierté, c'est sa faute. Le spectateur a pu passer de tels discours; le lecteur est moins indulgent.

Vers 45. Il mérite sans doute une honteuse peine,

Quand sa fierté combat les bontés de sa reine.

Pourquoi mérite-il une honteuse peine s'il n'est que fier? Il la mérite s'il a conspiré; si, comme Cécile l'a dit, du comte de

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