Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome32.djvu/361

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L’action… doit avoir une juste grandeur. Elle doit avoir un commencement, un milieu et une fin. Ces termes… excluent les actions momentanées qui n’ont point ces trois parties. Telle est peut-être la mort de la sœur d’Horace, qui se fait tout d’un coup, etc.

Tout ce qu’ont dit Aristote et Corneille sur ce commencement, ce milieu et cette fin, est incontestable ; et la remarque de Corneille, sur le meurtre de Camille par Horace, est très-fine. On ne peut trop estimer la candeur et le génie d’un homme qui recherche un défaut dans un de ses ouvrages étincelant des plus grandes beautés, qui trouve la cause de ce défaut, et qui l’explique.

Quelques-uns réduisent le nombre des vers qu’on récite [au théâtre] à quinze cents.

Deux mille vers, dix-huit cents, quinze cents, douze cents ; il n’importe. Ce ne sera pas trop de deux mille vers, s’ils sont bien faits, s’ils sont intéressants. Ce sera trop de douze cents, s’ils ennuient. Il est vrai que, depuis l’excellent Racine, nous avons eu des tragédies très-longues, et généralement très-mal écrites, qui ont eu de grands succès, soit par la force du sujet, soit par des vers heureux qui brillaient à travers la barbarie du style, soit encore par des cabales qui ont tant d’influence au théâtre. Mais il demeure toujours très-vrai que douze cents bons vers valent mieux que dix-huit cents vers obscurs, enflés, pleins de solécismes ou de lieux communs pires que des solécismes. Ils peuvent passer sur le théâtre à la faveur d’une déclamation imposante, mais ils sont à jamais réprouvés par tous les lecteurs judicieux.

Je viens à la seconde partie du poëme, qui sont les mœurs… Je ne puis comprendre comment on a voulu entendre, par ce mot de bonnes, qu’il faut qu’elles soient vertueuses.

Quand on dispute sur un mot, c’est une preuve que l’auteur ne s’est pas servi du mot propre. La plupart des disputes en tout genre ont roulé sur des équivoques. Si Aristote avait dit : Il faut que les mœurs soient vraies, au lieu de dire : Il faut que les mœurs soient bonnes, on l’aurait très-bien entendu. On ne niera jamais que Louis XI doive être peint violent, fourbe et superstitieux, soutenant ses imprudences par des cruautés ; Louis XII, juste envers ses sujets, faible avec les étrangers ; François Ier, brave, ami des arts et des plaisirs ; Catherine de Médicis, intrigante, perfide, cruelle. L’histoire, la tragédie, les discours pu-