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RÉPONSE
A UN DÉTRACTEUR DE CORNEILLE.

Comme on achevait cette édition[1], il est tombé entre les mains de l’éditeur je ne sais quel livre intitulé Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires, sur le théâtre, sans nom d’auteur ; à Avignon, chez Marc Chave, imprimeur et libraire[2].

L’auteur paraît être un de ces fanatiques qui commencent depuis quelque temps à lever la tête, et qui se déclarent les ennemis des rois, des lois, des usages et des beaux-arts. Cet homme pousse la démence jusqu’à traiter Corneille d’impie. Il dit que le parallèle continuel que Corneille fait des hommes avec les dieux fait tout le sublime de ses pièces. Il anathématise ces beaux vers que Cornélie, dans la Mort de Pompée (acte V, scène i) adresse aux cendres de son mari :

Moi, je jure des dieux la puissance suprême,
Et, pour dire encor plus, je jure par vous-même,
Car vous pouvez bien plus sur ce cœur affligé, etc.

Et voici comme cet homme s’exprime :

« Mettre des cendres au-dessus de la puissance des dieux qu’on adore, est-il rien de plus faux et de plus insensé ? Cette pensée, tournée et retournée, est répétée en mille endroits dans les tragédies de Corneille. Ce fou qui, aux petites-maisons, se disait le Père éternel, et cet autre qui se croyait Jupiter, ne parlaient pas plus follement, etc. »

  1. L’édition de 1764, en 12 volumes in-8°, du Théâtre de Corneille, avec le Commentaire de M. de Voltaire (K.) — Dans l’édition de 1764, cette Réponse est à la fin du 12e et dernier volume. Dans l’édition in-4° (1774), c’est aussi dans le dernier volume qu’elle est placée. (B.)
  2. Ces Réflexions morales, etc., sont de l’abbé de Latours, et ont vingt volumes in-12.