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CORRESPONDANCE.

pas la pièce digne du public ; ainsi, mon ami, si vous avez retenu des loges, envoyez chercher votre argent.

M. Josse, qui vous rendra ce billet, imprime actuellement le Bélier, de feu M. Hamilton. Il voudrait avoir quelques pièces, fugitives du même auteur. Si vous en avez quelques-unes, vous me ferez plaisir de les communiquer.

J’ai montré vos papiers à M. de Maisons ; il dit qu’il faut qu’il vous parle. Je ne sais point de pays où les bagatelles soient si importantes qu’en France. Adieu, mon cher enfant. Vale.



199. — À M. LE PRÉSIDENT HÉNAULT[1].

1729.

Ô vous ! l’un des meilleurs suppôts
Du dieu que le buveur adore,
Vous qu’Amour doit compter encore
Au rang de ses zélés dévots ;
Hénault, convive infatigable,
Que j’aime ta vivacité,
Et ce tour d’esprit agréable,
Qui font goûter la volupté ;
Lorsque, versant à pleines tasses,

Vous répétez le soir à tous vos auditeurs
Ces contes, ces chansons, ces discours enchanteurs,

Dictés le matin par les Grâces !

Depuis mon départ de Paris, que je fis assez solennellement en buvant à votre santé, j’ai cru qu’il était inutile de vous écrire que je m’ennuie beaucoup en ce séjour, et que j’y étais arrivé en assez mauvais état. Deux amis m’emballèrent à minuit, sans avoir soupé, dans une chaise de poste ; et après avoir couru pendant deux nuits pour aller prendre des actions, nous entrâmes dans la Lorraine[2], par la route de Metz, qui est un pays d’un très-petit commerce, fort ingrat, et très-peu peuplé :

Car, après de fort longues plaines.
L’on atteint des petits hameaux,
Et quelques huttes fort vilaines,
Faites de planches de bateaux.
Là de modernes Diogènes,
Dans leurs futailles de tonneaux,
Vivant de pain d’orge et de faînes,

  1. Cette lettre est de 1729, mais nous ne savons de quel mois.
  2. La Lorraine n’était pas encore française.