Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/350

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Du milieu de votre Empire rendez-moi un bon office, s’il vous plaît. Ce grand lévrier de Crébillon fils a envoyé à son singulier père ce misérable Temple pour être lu et approuvé. On prétend qu’on l’a remis ès mains d’une vieille muse, qui est la gouvernante de M. de Crébillon ; et cette vieille a dit qu’elle ferait tenir le paquet à Bercy. Mais, si vous ne daignez vous en faire informer par vos gens, le Temple du Goût ira à tous les diables. Ce n’est pas encore tout, car ils disent que M. de Crébillon laissera manger mon Temple par ses chats[1], et qu’il sera longtemps sans le lire : et il fera bien, car il vaut mieux qu’il achève Catilina que de perdre son temps à lire mes guenilles. Cependant, si vous vouliez un peu le presser, il aurait du temps pour lire mon Temple et pour achever son divin Catilina. Écrivez-lui donc un petit mot, mon aimable Quin-Monc[2]. Je vous souhaite, et à Lull-Brass, tout le plaisir que nous aurons mardi. Je ne sortirai que ce jour-là, et je serai à midi au parterre. I love you with all my heart[3].


322. — Á M. DE CIDEVILLE.
12 avril.

Ce Temple du Goût, cet amas de pierres de scandale, est tellement devenu un nouvel édifice qu’il n’y a pas deux pans de muraille de l’ancien. Ceux qui l’ont pris sous leur protection veulent qu’on l’imprime avec privilège, et qu’il soit affiché dans Paris, afin de fermer la bouche aux malins faiseurs d’interprétations. Il est accompagné d’une Lettre[4] en forme de préface ; on y pourrait joindre le Temple de l’Amitié, avec quelques pièces fugitives ; et Jore pourrait s’en charger.

À l’égard des Lettres anglaises, je vous prie, mon cher ami, de me mander si Jore y travaille. On a fait marché, à Londres, avec ce pauvre Thieriot, à condition que les lettres ne paraîtraient pas en France pendant la première chaleur du débit à Londres et à Amsterdam. Il a même été obligé de donner caution. Ainsi quelle honte pour lui et pour moi, si le malheur voulait qu’on en pût voir une feuille en ce pays-ci avant le temps ! Je crois vous avoir mandé qu’Adélaïde du Guesclin est dans son cadre. Il ne s’a-

  1. L’auteur de Rhadamiste avait pour les chats un goût poussé jusqu’à la manie ; et Moncrif, dès 1727, avait donné les Chats, ou l’Histoire des Chats. (Cl.)
  2. En supprimant ici la dernière syllabe des noms de Moncrif et de Brassac, Voltaire les fait précéder de la première syllabe de ceux de Quinault et de Lulli. Voltaire parle de Brassac dans le Temple du Goût.
  3. « Je vous aime de tout mon cœur. »
  4. Voyez cette Lettre en tête du Temple du Goût, tome VIII.