Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/436

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suader, pour réfuter les lâches calomnies dont on m’affuble. On ose dire que c’est moi-même qui fais débiter ces Lettres anglaises, dans le temps qu’on sait que je n’épargne, depuis un an, ni soins ni argent pour les supprimer. Je pardonne à ces vils insectes, à ces misérables prétendus beaux esprits, qui déchirent tout haut des ouvrages qu’ils approuvent tout bas, et qui font semblant de mépriser ce qu’ils envient ; mais je ne puis pardonner à ces calomniateurs de profession, qui attaquent la personne encore plus cruellement que les ouvrages, et qui vont de maison en maison semer les rumeurs les plus calomnieuses. C’est contre le bourdonnement de ces frelons que je vous demande votre secours, ma gentille abeille du Parnasse. Mandez-moi, je vous en prie, des nouvelles de vous, des théâtres, de ces Lettres et des plaisirs. A-t-on joué Zaïre ? qui ? Mlle Gaussin ? et vous, qui ? … ou pour aller plus galamment : Qua cales ? quæ te vinctum grata compede detinetee[1] ?

Adieu ; je vous aime, vous estime, et voudrais passer ma vie avec vous.


403. — Á M. BERGER.

Vous, monsieur, qui êtes le très-digne secrétaire d’un prince qui veut bien être à la tête de nos plaisirs, et qui avez par conséquent le plus joli département du monde, faites-moi, je vous prie, l’amitié de me mander quand il faudra lui envoyer les paroles de Samson. Je n’ai fait cet ouvrage par aucun autre motif que par celui de contribuer de fort loin à la gloire de M. Rameau et de servir à ses talents, comme celui qui fournit la toile et le chevalet contribue à la gloire du peintre. Mais, quoique je ne joue qu’un rôle fort subalterne dans cette affaire, cependant je voudrais bien n’avoir aucune difficulté à essuyer, et pouvoir compter personnellement sur la protection de M. le prince de Carignan[2], soit pour la manière dont cet opéra sera exécuté, soit pour l’examen des paroles. Je me flatte que vous voudrez bien lui faire un peu ma cour, et que ce sera à vous que j’aurai l’obligation de ses bontés.

On me mande ici que ces Lettres anglaises faisaient beaucoup plus de bruit qu’elles ne méritent ; que la plupart des ignorants

  1. Telephum… puella… lenct… grara
    Compede vinctum.

    (Horace, liv. IV, od. xi, 21-24.)
  2. Victor-Amédée de Savoie, prince de Carignan, mort le 4 avril 1741.