Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/463

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425. — Á MADAME LA COMTESSE DE LA NEUVILLE.

Des terrasses, des remises, des grilles, de longues allées, m’ont arraché, madame, au plaisir de vous faire ma cour. Je m’étais si bien accoutumé à la vie charmante que je menais auprès de vous que je crois à présent que tout me manque. Je regretterais un commerce aussi délicieux que le vôtre, au milieu de tout ce qu’on appelle plaisirs à Paris ; jugez de ce que je dois faire au milieu des maçons et entouré de plâtras ! Je retrouverai sans doute demain Mme  de Champbonin chez vous, très-habile au trictrac. J’irai assurément dans le pays des vertus et des grâces. Je crois que ce sera aussi celui des pêches. Nous n’en avons point à Cirey ; mais je m’imagine qu’elles sont mûres chez vous ; votre terre doit être une terre bénite.


426. — Á MADAME LA COMTESSE DE LA NEUVILLE.

En vous remerciant de vos pêches, madame. Il me semble que tous mes jours sont marqués par vos bontés ; ils le seront assurément par mon attachement et par ma reconnaissance. Je rends grâces à la fortune, et à ce que les hommes appellent malheur, qui m’a conduit dans ce pays-ci. L’injustice de quelques hommes et l’éloignement de Paris ne sont point des malheurs réels. Mais c’est un bonheur véritable de trouver une femme comme vous, dont le cœur est si respectable et la société si délicieuse. Heureux ceux qui vous connaissent !


427. — Á MADAME DE CHAMPBONIN.

Ne soyez donc plus malade, madame ; ne soyez point grosse, et daignez me tenir compte de l’effort que je fais, en n’allant pas sitôt vous voir. Voyez comme je préfère à mon plaisir des engagements qui me sont devenus des devoirs ! J’attends ici tous les jours des ouvriers. Je suis moi-même le piqueur de ceux qui travaillent. J’écris leurs noms chaque jour, dans un grand livre de comptes ; jusqu’à ce que j’aie quelqu’un qui me soulage, je ne peux quitter. Plaignez-moi d’avoir entrepris un ouvrage qui m’arrache au plaisir de vous faire ma cour. Vous êtes très-bien avec Mme  du Châtelet ; mais vous y serez encore mieux quand elle viendra dans son château. Vous savez bien que plus on vous