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ANNÉE 1735.

dire que je finis bien vite, avec mes égaux, par le dêgoût. Il y a vingt ans que notre amitié donne une preuve contraire.

Je suis charmé que vous ayez été content d’Émilie. Si vous la connaissiez davantage, vous l’admireriez. Son amie, Mme  la duchesse de Richelieu, suit un peu ses traces, quoique d’assez loin. Elle a très-bien profité des excellentes leçons de physique qu’un artiste, nommé Varinge, fait à Lunéville. Un célèbre prédicateur jésuite, qu’on appelle Père Dallemant, s’est avisé devenir à ces leçons, et de disputer contre elle sur le système de Newton, qu’elle commence à entendre et qu’il n’entend point du tout. Le pauvre prêtre a été confondu et hué, en présence de quelques Anglais, qui ont conçu de cette affaire beaucoup d’estime pour nos dames, et un peu de mépris pour la science de nos moines. Cette aventure valait la peine de vous être contée. Envoyez-moi l’épitre imprimée de Formont, et quelque chanson de Mécénas La Popelinière, si vous en avez. Adieu ; je vous embrasse,


490. — À M. THIERIOT,
à paris.
15 juillet.

Je n’ai point été intempérant, mon cher Thieriot, et cependant j’ai été malade. Je suis un juste à qui la grâce a manqué. Je vous exhorte à vous tenir ferme, car je crois être encore au temps où nous étions si unis que vous aviez le frisson quand j’avais la fièvre.

Vous voilà donc vengé de votre nymphe[1] ; elle a perdu sa beauté. Elle sera dorénavant plus humaine, et trouvera peu de gens humains. Vous pourrez lui dire :

Les dieux ont vengé mon outrage ;
Tu perds, à la fleur de ton âge,
Taille, beautés, honneurs, et bien.

Mais, avec tout cela, je crains bien que, quand elle aura repris un peu d’embonpoint, et dansé quelque belle chaconne, vous ne redeveniez son chevalier plus enchanté que jamais. J’ai reçu une lettre charmante de votre ancien rival, ou plutôt de votre ancien ami M. Ballot[2] ; mais vraiment je suis trop languissant à présent pour lui répondre.

  1. Mlle  Sallé, dont Thieriot avait été amoureux.
  2. Celui que Voltaire appelle Ballot l′imagination, dans sa lettre du 3 décembre 1754 à Thieriot.