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CORRESPONDANCE.

Il est bien juste qu’on m’ait donné un exil agréable, puisque j’étais absolument innocent des indignes chansons qu’on m’imputait. Vous seriez peut-être bien étonnée si je vous disais que dans ce beau bois, dont je viens de vous parler, nous avons des nuits blanches comme à Sceaux. Mme de La Vrillière, qui vint ici pendant la nuit faire tapage avec Mme de Listenay, fut bien surprise d’être dans une grande salle d’ormes, éclairée d’une infinité de lampions, et d’y voir une magnifique collation servie au son des instruments, et suivie d’un bal où parurent plus de cent masques habillés de guenillons superbes. Les deux sœurs trouvèrent des vers sur leur assiette ; on assure qu’ils sont de l’abbé Courtin. Je vous les envoie ; vous verrez de qui ils sont[1].

Après tous les plaisirs que j’ai à Sully, je n’ai plus à souhaiter que d’avoir l’honneur de vous voir à Ussé, et de vous donner des nuits blanches comme à Mme de La Vrillière.

Je vous demande en grâce, madame, de me mander si vous n’irez point en Touraine. J’irais vous saluer dans le château de M. d’Ussé, après avoir passé quelque temps à Preuilly, chez M. le baron de Breteuil[2] ; c’est la moitié du chemin.

Ne me dédaignez pas, madame, comme l’an passé. Songez que vous écrivîtes à Roi[3], et que vous ne m’écrivîtes point. Vous devriez bien réparer vos mépris par une lettre bien longue, où vous me manderiez votre départ pour Ussé ; sinon je crois que, malgré les ordres du Régent, j’irai vous trouver à Paris, tant je suis avec un véritable dévouement, etc.


27. — À M. L’ABBÉ DE BUSSY[4].

De Sully, 1716.

Non, nous ne sommes point tous deux
Aussi méchants qu’on le publie ;
Et nous ne sommes, quoi qu’on die.
Que de simples voluptueux,
Contents de couler notre vie
Au sein des Grâces et des Jeux.

  1. Voyez, à la date de 1716, dans les Poésies mêlées, le triple madrigal intitulé Nuit blanche de Sully.
  2. Père de Mme du Châtelet. La lettre de décembre 1723 lui est adressée.
  3. Au poëte Roi.
  4. Michel-Celse-Roger de Rabutin, comte de Bussy, nommé évêque de Luçon octobre 1723 ; reçu à l’Académie française en mars 1732 ; mort le 3 novembre 1736. Second fils de Bussy-Rabutin, cousin de Mme de Sévigné. (Cl.)