Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/543

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelqu’un qui puisse me prouver de même, par la raison, la spiritualité et l’immortalité de l’âme, je lui aurai une obligation éternelle, etc.


504. — Á M. THIERIOT.
À Cirey, 1er septembre.

Mon cher ami, il faut toujours que de près ou de loin je reçoive quelque taloche de la fortune. J’avais eu la condescendance de donner ma petite tragédie de Jules César à l’abbé Asselin, pour la faire jouer à son collège, avec promesse de sa part que copie n’en serait point tirée : c’était une fidélité qu’on m’avait religieusement gardée à l’hôtel Sassenage. Je n’ai pas été aussi heureux au collège d’Harcourt J’apprends que non-seulement on vient d’imprimer cet ouvrage, mais qu’on l’a honoré de plusieurs additions et corrections qu’un régent de collège y a faites. Je suis persuadé qu’on ne manquera pas encore de dire que c’est moi qui l’ai fait imprimer : ainsi me voilà calomnié et ridicule. Ne pourriez-vous point me sauver une partie de l’opprobre en publiant et en faisant mettre dans les journaux que je ne suis en aucune manière responsable, mais bien très-affligè de cette misérable édition ?

Autre misère : on m’envoie une Ramsaïde[1] maudite rapsodie, infâme calotte, et mon nom est à la tête. Dites-moi franchement, le monde est-il assez sot pour m’attribuer cet ouvrage ? Consolez-moi en m’ècrivant. Je croyais, en ayant renoncé au monde, avoir renoncé à ses tracasseries comme à ses pompes ; mais il est dur de se voir, d’un côté père putatif d’enfants supposés, et, de l’autre, père malheureux d’enfants barbouillés.

Si je ne suis pas heureux en famille, au moins le suis-je en amis. Savez-vous bien, à propos d’amis, que notre Falkener est ambassadeur en Turquie ? Un marchand, homme d’esprit, est quelque chose, comme vous voyez, chez les Anglais ; mais, parmi nous, il vend son drap et paye la capitation. Vale, scribe, ama.

  1. La Ramsaïde n’est pas dans l’édition en six volumes des Mémoires pour servir à l’histoire de la calotte, dont on a parlé tome XXIII, page 57. Une autre pièce contre Ramsai, intitulée Discours prononcé à la réception des fr. maçons, par M. de Ramsai, grand orateur de l’ordre, se trouve dans le volume ayant pour titre : Lettres de M. de V***, avec plusieurs pièces de différents auteurs : La Haye, Poppy, 1738, in-12, et dans ses diverses réimpressions.