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ANNÉE 1716.

J’ébaudirai Votre Excellence
Par des airs de mon flageolet,
Dont l’Amour marque la cadence
En faisant des pas de ballet.

En attendant, je travaille ici quelquefois au nom de M. l’abbé Courtin, qui me laisse le soin de faire en vers les honneurs de son teint fleuri et de sa croupe rebondie. Nous vous envoyons, pour vous délasser dans votre royaume, une lettre à monsieur le grand-prieur, et la réponse de l’Anacréon[1] du Temple. Je ne vous demande pour tant de vers qu’un peu de prose de votre main. Puisque vous m’exhortez à vivre en bonne compagnie, que je commence à goûter bien fort, il faudra, s’il vous plaît, que vous me souffriez quelquefois près de vous à Paris.


28. — À M. LE PRINCE DE VENDOME[2].

1716.

De Sully, salut et bon vin
Au plus aimable de nos princes.
De la part de l’abbé Courtin,
Et d’un rimailleur des plus minces,
Que son bon ange et son lutin
Ont envoyé dans ces provinces.

Vous voyez, monseigneur, que l’envie de faire quelque chose pour vous a réuni deux hommes bien différents.

L’un, gras, rond, gros, court, séjourné.
Citadin de Papimanie[3],
Porte un teint de prédestiné.
Avec la croupe rebondie.
Sur son front respecté du temps,
Une fraîcheur toujours nouvelle
Au bon doyen de nos galants
Donne une jeunesse éternelle.
L’autre dans Papefigue est né ;
Maigre, long, sec, et décharné,
N’ayant eu croupe de sa vie,
Moins malin qu’on ne vous le dit,

  1. L’abbé de Chaulieu.
  2. C’est le frère du duc de Vendôme. Il était grand-prieur de France. L’abbé Courtin était un de ses amis, fils d’un conseiller d’État, et homme de lettres. Il était tel qu’on le dépeint ici. (Note de l’édition de 1748.)
  3. Voyez Pantagruel, livre IV, chapitre xlviii.