Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/575

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trations. Il me semble que je vois Thomas Diafoirus[1] qui soutient thèse contre les circulateurs. Nous avons ici un noble vénitien[2] qui entend Newton comme les Éléments d’Euclide. Cela n’est-il pas honteux pour nos Français ?

L’Académie des inscriptions, en corps, a voulu faire une devise (belle occupation ! ) pour les opérations mathématiques[3] qu’on va faire vers l’équateur. Ils ont mis, dans leur inscription, que l’on mesure un arc du mèridien sous l’èquateur. Est-il possible que toute une Académie fasse une ânerie pareille, et qu’il faille que M. Maffei[4], un étranger, redresse nos bévues ?

Mais, dans votre Académie, pourquoi ne recevez-vous pas l’abbé Pellegrin ? Est-ce que Danchet serait trop jaloux ? Vous savez qu’il y a vingt ans que je vous ai dit que je ne serais jamais d’aucune académie[5]. Je ne veux tenir à rien dans ce monde, qu’à mon plaisir ; et puis je remarque que telles académies étouffent toujours le génie au lieu de l’exciter. Nous n’avons pas un grand peintre, depuis que nous avons une Académie de peinture ; pas un grand philosophe formé par l’Académie des sciences. Je ne dirai rien de la française. La raison de cette stérilité dans des terrains si bien cultivés est, ce me semble, que chaque académicien, en considérant ses confrères, les trouve très-petits, pour peu qu’il ait de raison, et se trouve très-grand en comparaison, pour peu qu’il ait d’amour-propre. Danchet se trouve supérieur à Mallet, et en voilà assez pour lui ; il se croit au comble de la perfection. Le petit Coypel[6] trouve qu’il vaut mieux que Detroy le jeune, et il pense être un Raphaël. Homère et Platon n’étaient, je crois, d’aucune académie. Cicéron n’en était point, ni Virgile non plus. Adieu, mon cher abbé ; quoique vous soyez académicien, je vous aime et vous estime de tout mon cœur ; vous êtes digne de ne l’être pas. Vale, et me ama.

Mandez-moi quel est le jésuite qui a fait les Mémoires pour servir à l’Histoire du dernier siècle, et celui qui a fait les Mémoires chronologiques[7] sur les matières ecclésiastiques. Mais vous, que faites-vous ? Ne m’en direz-vous point de nouvelles.

  1. Le Malade imaginaire, acte II, scène vi.
  2. Algarotti ; voyez la lettre 522.
  3. Voyez la lettre 475.
  4. Voyez la note, tome IV, page 179.
  5. Ce serait donc à vingt-un ans que Voltaire aurait pris cette résolution, qu’il n’a pas tenue ; voyez la note sur la lettre 282.
  6. Voyez la lettre 60.
  7. Ils sont de d’Avrigny ; voyez la note tome XIV, page 35.