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ANNÉE 1716.

Qu’à bien peu de mortels ont accordé les dieux,

Et qui n’est connu de personne
Dans le séjour tumultueux
De la ville que j’abandonne.

Mais la tranquillité que j’éprouve aujourd’hui,
Ce bien pur et parfait où je n’osais prétendre,
Est parfois, entre nous, si semblable à l’ennui

Que l’on pourrait bien s’y méprendre.

Il n’a point encore approché de Sully ;

Mais maintenant dans le parterre
Vous le verrez, comme je croi,
Aux pièces du poëte Roi :
C’est là sa demeure ordinaire.

Cependant on me dit que vous ne fréquentez plus que la comédie italienne. Ce n’est pas là où se trouve ce gros dieu dont je vous parle. J’entends dire

Que tout Paris est enchanté
Des attraits de la nouveauté ;
Que son goût délicat préfère
L’enjouement agréable et fin
De Scaramouche et d’Arlequin,
Au pesant et fade Molière !



30. — À M. DE LA FAYE[1].

1716

La Faye, ami de tout le monde.
Qui savez le secret charmant
De réjouir également
Le philosophe, l’ignorant.
Le galant à perruque blonde ;
Vous qui rimez, comme Ferrand[2],
Des madrigaux, des épigrammes.
Qui chantez d’amoureuses flammes
Sur votre luth tendre et galant ;
Et qui même assez hardiment

  1. Cette lettre, dont l’auteur parle dans celle de juillet 1732 à Formont, est sans date dans une édition de 1732. Les allusions qu’elle contient autorisent à croire qu’elle est de 1716, ou des premiers mois de 1717. Quant aux premiers vers de cette lettre, on les retrouve, avec de légers changements, dans la Fête de Bélébat, où ils sont adressés au président Hénault. (Cl.) — Sur La Faye, voyez la note 4. tome XIV, page 88.
  2. Sur Ferrand, voyez tome XIV, page 71.