Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
CORRESPONDANCE.

n’aurait pas fait pis. Renvoyez-moi vite les papiers que je vous demande. Adieu, mon cher ami.



48. — À M. J. B. ROUSSEAU[1].

23 janvier.

M. le baron de Breteuil m’a appris, monsieur, que vous vous intéressez encore un peu à moi, et que le poëme de Henri IV ne vous est pas indifférent ; j’ai reçu ces marques de votre souvenir avec la joie d’un disciple tendrement attaché à son maître. Mon estime pour vous, et le besoin que j’ai des conseils d’un homme seul capable d’en donner de bons en poésie, m’ont déterminé à vous envoyer un plan que je viens de faire à la hâte de mon ouvrage : vous y trouverez, je crois, les règles du poëme épique observées.

Le poëme commence au siège de Paris, et finit à sa prise ; les prédictions faites à Henri IV, dans le premier chant, s’accomplissent dans tous les autres ; l’histoire n’est point altérée dans les principaux faits, les fictions y sont toutes allégoriques ; nos passions, nos vertus, et nos vices, y sont personnifiés ; le héros n’a de faiblesses que pour faire valoir davantage ses vertus. Si tout cela est soutenu de cette force et de cette beauté continue de la diction, dont l’usage était perdu en France sans vous, je me flatte que vous ne me désavouerez point pour votre disciple. Je ne vous ai fait qu’un plan fort abrégé de mon poëme, mais vous devez m’entendre à demi-mot ; votre imagination suppléera aux choses que j’ai omises. Les lettres que vous écrivez à M. le baron de Breteuil me font espérer que vous ne me refuserez pas les conseils que j’ose dire que vous me devez. Je ne me suis point caché de l’envie que j’ai d’aller moi-même consulter mon oracle. On allait autrefois de plus loin au temple d’Apollon, et sûrement on n’en revenait point si content que je le serai de votre commerce. Je vous donne ma parole que, si vous allez jamais aux Pays-Bas, j’y viendrai passer quelque temps avec vous. Si même l’état de ma fortune présente me permettait de faire un aussi long voyage que celui de Vienne, je vous assure que je partirais de bon cœur pour voir deux hommes aussi extraordinaires dans leurs genres que M. le prince Eugène et vous. Je me ferais un véritable plaisir de quitter Paris, pour vous réciter mon poëme devant lui, à ses heures de loisir. Tout ce que j’entends dire ici

  1. Alors à Vienne.