Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/116

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En vous écrivant, belle Thalie, en songeant que c’est à vous que je m’adresse, je m’aperçois que vos vers, que vous vouliez, et que je vous ai faits, ne valent pas le diable.

Je les corrige donc ainsi :

MADAME DE CROUPILLAC, à Fierenfat.

C’est fort bien dit ; à la fin je raurai
Mon président, je vous le rangerai ;
Je vous… Allons, qu’on nous conjoigne ensemble.
Viens va, pédant ; qu’on m’épouse, et qu’on tremble.


Cela me paraît passablement falot ; jugez-en : vous vous connaissez assurément en bonne plaisanterie. Je ne m’y connais guère, et je ne me crois pas du tout plaisant.

Je supplie votre aréopage de faire une brigue pour rétablir ce beau mot de cocu. Si cet admirable mot est banni de la langue française, il n’y a plus moyen de travailler. Thalie, Thalie, si j’étais à Paris, je ne travaillerais que pour vous. Vous me feriez un animal amphibie, comique six mois de l’année, et tragique six autres mois ; mais il y a dans le monde un diable de Newton qui a trouvé précisément combien le soleil pèse, et de quelle couleur sont les rayons qui composent la lumière : cet étrange homme me tourne la tête ; daignez m’écrire pour me rendre aux Muses. Je vous suis tendrement dévoué pour jamais ; ne m’oubliez pas auprès des deux aimables frères.

Je suis à vos pieds.


631. — AU PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
À Paris[1], le 26 août.

Monseigneur, il faudrait être insensible pour n’être pas infiniment touché de la lettre dont Votre Altesse royale a daigné m’honorer. Mon amour-propre en a été trop flatté ; mais l’amour du genre humain, que j’ai toujours eu dans le cœur, et qui, j’ose dire, fait mon caractère, m’a donné un plaisir, mille fois plus pur, quand j’ai vu qu’il y a dans le monde un prince qui pense en homme, un prince philosophe qui rendra les hommes heureux.

Souffrez que je vous dise qu’il n’y a point d’homme sur la terre qui ne doive des actions de grâces au soin que vous prenez de

  1. Cette lettre est datée de Paris dans toutes les éditions ; je suis tenté de croire qu’elle devrait l´être de Cirey, comme le sont celle qui précède et celle qui suit. (B.)