Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/141

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moins il eût fallu que la Palinodie eût été meilleure. Malheureusement pour lui, toute la Palinodie consistait à dire du mal de son bienfaiteur. M. le maréchal de Villars, ami de ce seigneur offensé, averti d’ailleurs de l’insolence de Rousseau, en écrivit à M. le prince Eugène, et lui manda en propres mots : « J’espère que vous ferez justice d’un *** qui n’a pas été assez puni en France. » Cette lettre, jointe aux ingratitudes dont Rousseau payait les bienfaits de M, le prince Eugène, lui attira une disgrâce totale auprès de ce prince. Voilà, messieurs, l’origine de tout ce que Rousseau a fait depuis contre moi. Il a cru que c’était moi qui avais fait frapper ce coup ; que c’était moi qui avais averti messieurs les maréchaux de Villars et de Noailles. Cependant il est très-vrai que je ne leur en ai jamais parlé. Il est aisé de le savoir des personnes que le sang et l’amitié attachaient à M, le maréchal de Villars. La lettre avait été écrite à M. le prince Eugène avant même que Rousseau m’eût lu cette mauvaise ode de la Palinodie, et quand il me la lut, je me contentai de lui dire que je voyais bien que son but n’était pas d’avoir des amis.

J’avoue que je lui dis encore, avec une franchise que j’ai eue toute ma vie, que ses nouveaux ouvrages ne me plaisaient pas, et qu’il passerait seulement pour avoir perdu son talent et conservé son venin. Le public a justifié ma prédiction, et Rousseau me hait d’autant plus que je lui ai dit une vérité qui se confirme tous les jours.

C’était assez qu’il m’eût flatté quelques jours pour qu’il fît des vers contre moi : il en fit donc, et même de très-plats. Il est vrai qu’enfin, dans une Èpître contre la Calomnie, composée il y a trois ans, je n’ai pu m’empêcher, après avoir montré toute l’énormité de ce crime, de parler de celui qui en est si coupable. Vous avez vu ce que j’en ai dit.

Ce vieux rimeur, couvert d´ignominie, etc.

Je n’ai été certainement dans ces vers que l’interprète du public ; je n’ai fait que suivre l’exemple de M. de Lamotte, le plus modeste de tous les hommes, qui avait dit de Rousseau :

Connais-tu ce flatteur perfide[1],
Cette âme jalouse où préside
La Calomnie au ris malin ;
Ce cœur dont la timide Audace

  1. Strophes 5 et 6 de l’ode de Lamotte intitulée Mérite personnel.