Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/144

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traduit les gâteaux mangès par les Troyens par ces mots : faim dévorante de Cacus. Le mot anglais cake, qui signifie gâteau, fut pris par lui pour Cacus, et les Troyens pour des vaches. Je corrigeai ses fautes, et je fis imprimer sa traduction à la suite de la Henriade, en attendant que j’eusse le loisir de faire mon 'Essai sur l´Épopèe en français : car j’avais écrit dans le goût de la langue anglaise, qui est très-différent du nôtre. Enfin, quand j’eus achevé mon ouvrage, je le mis à la suite de ma Henriade en France, L’abbé Desfontaines ne me pardonna point d’avoir usé de mon bien. Il s’avisa, depuis ce temps-là, de vouloir décrier la Henriade et moi. Je ne lui répondrai pas, et je ne décrierai certainement pas ses vers. Il en a fait un gros volume[1] ; mais personne n’en sait rien : j’en ignore moi-même le titre. Pour sa personne, elle est un peu plus connue.

Enfin, messieurs, voilà les honnêtes gens que j’ai pour ennemis : ainsi, quand vous verrez quelques mauvais vers contre moi, dites hardiment qu’ils sont de Rousseau ; quand vous verrez de mauvaises critiques en prose, ce sera de l’abbé Desfontaines.

J’ai l’honneur d’être, etc.


647. — À M. THIERIOT.
À Cirey, ce 23 septembre.

J’avais oté ce monstre subalterne d’abbé Desfontaines de l´Ode sur l’Ingratitude ; mais les transitions ne s’accommodaient pas de ce retranchement, et il vaut mieux gâter Desfontaines que mon ode, d’autant plus qu’il n’y a rien de gâté en relevant[2] sa turpitude. Je vous envoie donc l’ode ; chacun est content de son ouvrage, cependant je ne le suis pas de m’être abaissé à cette guerre houleuse ; je retourne à ma philosophie ; je ne veux plus connaître qu’elle, le repos et l’amitié.

J’avais deviné juste, vous étiez malade : mon cœur me le disait ; mais si vous ne l’êtes plus, écrivez-moi donc. M. Berger a pressé l’impression de la Henriade, mais je vais le prier d’aller bride en main, afin que les derniers chants se sentent au moins de vos remarques. Envoyez-moi cette pièce de la Ménagerie ; je ne sais ce que c’est. On dit qu’il paraît une Réponse[3] de La Chaussée aux trois impertinentes Épîtres de Rousseau, et qu’elle

  1. Poésies sacrées ; voyez la note tome XXII, page 380.
  2. Dans toutes les éditions on lit relevant ; peut-être faut-il lire révélant ? (B.)
  3. Voyez la note sur la lettre 637.