Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

admirer de plus près ; mais j’ai déjà eu l’honneur de vous mander qu´une occupation indispensable me retenait ici[1]. C’est pour être plus digne de vos bontés, monseigneur, que je suis à Leyde ; c’est pour me fortifier dans les connaissances des choses que vous favorisez. Vous n’aimez que les vérités, et j’en cherche ici. Je prendrai la liberté d’envoyer à Votre Altesse royale la petite provision que j’aurai faite ; vous démêlerez, d’un coup d’œil, les mauvais fruits d’avec les bons.

En attendant, si Votre Altesse royale veut s’amuser par une petite suite[2] du Mondain, j’aurai l’honneur de l’envoyer incessamment : c’est un petit essai de morale mondaine, où je tâche de prouver, avec quelque gaieté, que le luxe, la magnificence, les arts, tout ce qui fait la splendeur d’un État en fait la richesse : et que ceux qui crient contre ce qu’on appelle le luxe ne sont guère que des pauvres de mauvaise humeur. Je crois qu’on peut enrichir un État en donnant beaucoup de plaisir à ses sujets. Si c’est une erreur, elle me paraît jusqu’ici bien agréable. Mais j’attendrai le sentiment de Votre Altesse royale pour savoir ce que je dois en penser. Au reste, monseigneur, c’est par pure humanité que je conseille les plaisirs ; le mien n’est guère que l’étude et la solitude. Mais il y a mille façons d’être heureux. Vous méritez de l’être de toutes ; ce sont les vœux que je fais pour vous, etc.


709. – À M. THIERIOT.
À Leyde le 17 janvier.

Il est vrai, mon cher ami, que j’ai été très-malade ; mais la vivacité de mon tempérament me tient lieu de force : ce sont des ressorts délicats qui me mettent au tombeau, et qui m’en retirent bien vite. Je suis venu à Leyde consulter le docteur Boerhaave sur ma santé, et S’Gravesande sur la philosophie de Newton. Le prince royal me remplit tous les jours d’admiration et de reconnaissance : il daigne m’écrire comme à son ami ; il fait pour moi des vers français tels qu’on en faisait à Versailles dans le temps du bon goût et des plaisirs. C’est dommage qu’un pareil prince n’ait point de rivaux. Je ne manque pas de lui glisser quelques mots de vous dans toutes mes lettres. Si ma tendre amitié pour vous vous peut être utile, ne serais-je pas trop heureux ? Je ne vis que pour l’amitié, c’est elle qui m’a retenu à Cirey si long-

  1. Voyez lettre 704.
  2. La Défense du Mondain ; voyez tome X.