Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/214

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pour vous me la doit mériter. Il est bien difficile de se taire sur de certaines vérités, quand on en est bien pénétré, risque à s’exprimer bien ou mal. Je suis dans ce cas : c’est vous qui m´y mettez et qui, par conséquent, devez avoir plus d’indulgence pour niui (praiicun autre. Je suis à jamais avec toute la considération que vous méritez, monsieur, votre très-affectionné ami.

Frédéric

711. — À M. LE MARQUIS D’ARGENS.
À leyde, le 20 janvier.

Si les Lettres juives me plaisent, mon cher Isaac ! Si j’en suis charmé ! Ne vous l’ai-je pas écrit trente fois ? Elles sont agréables et instructives, elles respirent l’humanité et la liberté. Je soutiens que c’est rendre un très-grand service au public que de lui donner, deux fois par semaine, de si excellents préservatifs. J’aime passionnément les Lettres et l´auteur ; je voudrais pouvoir contribuer à son bonheur ; j’irai l’embrasser incessamment. Je suis bien fâché de l’avoir vu si peu, et je veux du mal à Newton, qui s’est fait mon tyran, et qui m’empêche d’aller jouir de la conversation aimable de M. Boyer[1].

J’irai, j’irai, sans doute. J´ai été obligé d’aller à Amsterdam pour l’impression de mes guenilles ; j’y ai vu M. Prévost, qui vous aime de tout son cœur : je le crois bien, et j’en fais autant. Je n’ai osé avilir votre main à faire un dessin de vignette ; mais vous ennobliriez la vignette, et votre main ne serait point avilie.

Je vous enverrai l´Épître du fils d’un bourgmestre sur la Politesse hollandaise[2], et je vous prierai de lui donner une petite place dans vos juiveries.

Adieu, monsieur ; je vous embrasse tendrement. J’espère, encore une fois, venir jouer quelque rôle dans vos pièces. Je présente mes respects à Mlle  Lecouvreur[3] d’Utrecht ; vous faites tous deux une charmante synagogue, car synagogue signifie assemblage.

P. S. Ma foi, je suis enchanté que vous ayez reçu des nouvelles qui vous plaisent. Si j’avais un fils comme vous, et qu’il se fit turc, je me ferais turc, et j’irais vivre avec lui et servir

  1. Nom de famille du marquis d’Argens ; voyez la lettre 664.
  2. Je n’ai pas trouvé ce morceau dans les Lettres juives. La pièce parait perdue. (B.)
  3. Mlle  Cochois ou Cauchois, que d’Argens épousa depuis. Voyez lettre 664 et 697.