Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/217

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qui griffonnent toutes les infamies imaginables, qui forgent des histoires auxquelles les regrattiers de Hollande ajoutent encore ; et tout cela s’en va réjouir les cours de l’Allemagne et de la Russie, Ces messieurs-là sont une engeance à étouffer.

Vous avez à Paris des personnes bien plus charitables, qui composent pour rien des chansons sur leur prochain. On vient de m’en envoyer une[1] où vous et Pollion, et le gentil Bernard, et tous vos amis, et moi indigne, ne sommes pas trop bien traités ; mais cela ne dérangera ni ma philosophie ni la vôtre, et Newton ira son train.

Tranquille au haut des cieux que Newton s’est soumis,
Il ignore en effet s’il a des ennemis[2].

Après les consolations de l’amitié et de la philosophie, la plus flatteuse que je reçoive est celle des bontés inexprimables du prince royal de Prusse. J’ai été très-fâché que l’on ait inséré dans les gazettes que je devais aller en Prusse, que le prince m’avait envoyé son portrait, etc. Je regarde ses faveurs comme celles d’une belle femme ; il faut les goûter et les taire. Mandez-lui, mon cher ami, que je suis discret, et que je ne me vante point des caresses de ma maîtresse. De mon côté, je ne vous oublie pas quand je lui parle de belles-lettres et de mérite.

Mille respects, je vous prie, à votre Parnasse, à nos loyaux chevaliers[3]. Parlez un peu à M. d’Argental des saintes calomnies du béat Rousseau. Adieu, nous ne sommes qu’honnêtes gens, Dieu merci ; je vous embrasse.

  1. Cette chanson, intitulée les Adieux de M. de V*** à Mme du Châtelet, est imprimée dans le volume intitulé Lettres de M. de V***, avec plusieurs pièces de différents auteurs, 1738, in-12, et dans ses diverses réimpressions. Elle y a douze couplets ; elle n’en a que neuf dans le Voltariana : et parmi ces neuf, il en est un (contre La Popelinière) qui n’est pas dans l’autre version, et ce ne sont pas là toutes les différences. Cette chanson, qui commence par ces vers :
    Adieu, belle Emilie,
    En Prusse je m’en vas, etc.
    maltraite tout à la fois Voltaire. Roi. Desfontaines, Thieriot, Bernard, Maupertuis, Mme du Châtelet (et La Popelinière). Voltaire l’attribue à Louis Riccoboni, connu sous le nom de Lélio, mort en 1753, à soixante-dix-neuf ans. (B.)
  2. Vers de l´Èpître à Mme du Châtelet.
  3. Le bailli de Froulai et le chevalier d’Aidie.