Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/231

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prince royal ; il l’emportera bien sur des vers alexandrins ; mais je vous jure que j’y reviendrai, puisque vous les aimez.

Le genre de vie que je mène est tout à fait de mon goût, et me rendrait heureux si je n’étais pas loin d’une personne qui avait daigné faire dépendre son bonheur de vivre avec moi.

Mandez-moi, je vous prie, vos intentions sur notre Enfant. Je n’écris point à Mlle  Quinault ; je compte que vous joindrez à toutes vos bontés celle de l’assurer de ma tendre reconnaissance.

Si cet Enfant a en effet gagné sa vie, je vous prie de faire en sorte que son pécule me soit envoyé, tous frais faits. C’est une bagatelle ; mais il m’est arrivé encore de nouveaux désastres ; j’ai fait des pertes dans le chemin.

Souffrez que je joigne ici une lettre pour Thieriot le marchand. Adieu ; on ne peut être plus pénétré de vos bontés. Adieu, les deux frères que j’aimerai et que je respecterai toute ma vie.


724. — À FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
(Amsterdam) février.

Les lauriers d’Apollon se fanaient sur la terre,
Les beaux-arts languissaient ainsi que les vertus ;
La Fraude aux yeux menteurs et l’aveugle Plutus
Entre les mains des rois gouvernaient le tonnerre ;
La Nature indignée élève alors sa voix :
Je veux former, dit-elle, un règne heureux et juste,
Je veux qu’un héros naisse, et qu’il joigne à la fois
Les talents de Virgile et les vertus d’Auguste,
Pour l’ornement du monde et l’exemple des rois.
Elle dit ; et du ciel les Vertus descendirent.
Tout le Nord tressaillit, tout l’Olympe accourut ;
L’olive, les lauriers, les myrtes, reverdirent,
Et Frédéric parut.

Que votre modestie, monseigneur, pardonne ce petit enthousiasme à cette vénération pleine de tendresse que mon cœur sent pour vous.

J’ai reçu les lettres charmantes de Votre Altesse royale, et des vers tels qu’en faisait Catulle du temps de César. Vous voulez donc exceller en tout ? J’ai appris que c’est donc Socrate, et non Frédéric, que Votre Altesse royale m’a donné. Encore une fois, monseigneur, je déteste les persécuteurs de Socrate, sans me soucier infiniment de ce sage au nez épaté.

Socrate ne m’est rien, c’est Frédéric que j’aime.