Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/264

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Vous vous moquez, mon cher ami, de me dire ce que vaut votre cachet et d’où il vient ; passez-le en ligne de compte pour dix louis : je vous remercie bien de m’avoir procuré le plaisir d’en faire une galanterie qui a été très-bien reçue.

Il faut que vous parliez à madame votre sœur, ou que je lui écrive.

J’attends des nouvelles de monsieur votre frère, touchant les choses que je lui ai mandées.

Je vous embrasse tendrement.

Note écrite sur la lettre manuscrite :

Ce fragment s’est ainsi trouvé dans le paquet remis à M. Van Praet. Il est évident que l’abbé Moussinot lui-même, ou l’abbé Duvernet avait retranché quelque chose de cette lettre, dont nous croyons avoir coté ci-dessus la véritable date.


745. — DE FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
Remusberg, 9 mai.

Monsieur, je viens de recevoir votre lettre sous date du 17 avril ; elle est arrivée assez vite ; je ne sais d’où vient que les miennes ont été si longtemps en chemin. Que votre indulgence pour mes vers me paraît suspecte ! Avouez-le, monsieur, vous craignez le sort de Philoxène, vous me croyez un Denys, sans quoi votre langage aurait été tout différent. Un ami sincère dit des vérités désagréables, mais salutaires. Vous auriez critiqué le monument et les funérailles placées avant les batailles dans la strophe quatrième de l’ode ; vous auriez condamné la figure du chagrin desarmé, qui est trop hardie, etc. En un mot, vous m’auriez dit :

Émondez-moi ces rameaux trop épars[1].

Que sert-il à un borgne qu’on l’assure qu’il a la vue bonne ? En voit-il mieux ? Je vous prie, monsieur, soyez mon censeur rigide, comme vous êtes déjà mon exemple et mon maître en fait de poésie. Ne vous en tenez pas aux ongles de la figure d’un très-ignorant sculpteur ; corrigez tout l’ouvrage. Je vous envoie la suite de la traduction de Wolff jusqu’au paragraphe 770. Vous en aurez la fin par mon cher Césarion[2]. mon petit ambassadeur dans la province de la Raison, au paradis terrestre. Je ne chercherais pas ma souveraine félicité dans l’éclat de la magnificence, mais dans une volupté pure, et dans le commerce des êtres les plus raisonnables parmi les

  1. Ce vers fait partie de la pièce adressée à Verrières ; Voyez ci-dessus lettre 580, et aussi lettre 210.
  2. Le baron de Keyserlingk,