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vous faites, et encore plus de parler d’acte par-devant notaire ; je le déchirerais. Votre nom me suffit, et je ne veux point que le nom d’un philosophe soit déshonoré par des obligations en parchemin. S’il n’y avait que des gens comme nous, les gens de justice n’auraient pas beau jeu.


760. — À M. LE MARQUIS D’ARGENS.
Le 22 juin.

J’ai reçu vos Lettres, mon cher Isaac, comme nos pères reçurent les cailles dans le désert[1] ; mais je ne me lasserai pas de vos Lettres comme ils se lassèrent de leurs cailles. Souvenez-vous que je vous ai toujours assuré un succès invariable pour les Lettres juives. Comptez que vous vous lasserez plus tôt d’en écrire que le public de les lire et de les désirer.

Je suis très-aise que vous ayez exécuté ce petit projet d’Anecdotes littéraires[2]. Le goût que vous avez pour le bon et pour le vrai ne vous permettra pas de passer sous silence les Visions de Marie Alacoque ;

Les vers français que Jésus-Christ a faits pour cette sainte, vers qui feraient penser que notre divin Sauveur était un très-mauvais poëte, si on ne savait d’ailleurs que Languet, archevêque de Sens, a été le Pellegrin qui a fait ces vers de Jésus-Christ ;

L’impertinence absurde des jésuites, qui, dans leur misérable Journal[3], viennent d’assurer que l’Essai sur l’Homme, de Pope, est un ouvrage diabolique contre la religion chrétienne ;

Le style d’un certain Père Regnault[4], auteur des Entretiens physiques ; style digne de son ignorance. Ce bon Père a la justice d’appeler les admirables découvertes et les démonstrations de Newton sur la lumière, un système ; et ensuite il a la modestie de proposer le sien. Il dit qu’Hercule était physicien, et qu’on ne pouvait résister à un physicien de cette force. Il examine la question du vide, et il dit ingénieusement : Voyons s’il y a du vide ailleurs que dans la bouteille ou dans la bourse.

  1. Exode, chap. xvi.
  2. Anecdotes historiques, galantes et littéraires du temps présent : la Haye, 1737, in-12. (B.)
  3. Sur ce Journal voyez la note tome XXI, page 169.
  4. Noël Regnault, jésuite, né en 1683, mort le 14 mars 1762, auteur de la Lettre d’un physicien, dont Beuchot a parlé dans son avertissement, tome XXII, pages 398, et à Entretiens physiques d’Ariste et d’Eudoxe.