Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/341

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meilleur rapport à Dieu, et antécédemment à sa volonté : ce qui peut-être ne serait pas aisé. Cet argument se réduit donc à dire que Dieu est nécessité à faire ce qui lui semble le meilleur, c’est-à-dire à faire sa volonté ; or je demande s’il y a une autre sorte de liberté, et si faire ce que l’on veut et ce que l’on juge le plus avantageux, ce qui plaît enfin, n’est pas précisément être libre.

2° Cette nécessité de faire toujours le meilleur ne peut jamais être qu’une nécessité morale ; or une nécessité morale n’est pas une nécessité absolue.

3° Enfin, quoiqu’il soit impossible à Dieu, d’une impossibilité morale, de déroger à ses attributs moraux, la nécessité de faire toujours le meilleur, qui en est une suite nécessaire, ne détruit pas plus sa liberté que la nécessité d’être présent partout, éternel, immense, etc.

L’homme est donc, par sa qualité d’être intelligent, dans la nécessité de vouloir ce que son jugement lui présente être le meilleur. S’il en était autrement, il faudrait qu’il fût soumis à la détermination de quelque autre que lui-même, et il ne serait plus libre : car vouloir ce qui ne ferait pas plaisir est une véritable contradiction, et faire ce que l’on juge le meilleur, ce qui fait plaisir, c’est être libre. À peine pourrions-nous concevoir un être plus libre qu’en tant qu’il est capable de faire ce qui lui plaît ; et tant que l’homme a cette liberté, il est aussi libre qu’il est possible à la liberté de le rendre libre, pour me servir des termes de M. Locke. Enfin l’Achille des ennemis de la liberté est cet argument-ci : Dieu est omniscient ; le présent, l’avenir, le passé, sont également présents à ses yeux ; or, si Dieu sait tout ce que je dois faire, il faut absolument que je me détermine à agir de la façon dont il l’a prévu : donc nos actions ne sont pas libres, car si quelques-unes des choses futures étaient contingentes ou incertaines ; si elles dépendaient de la liberté de l’homme ; en un mot, si elles pouvaient arriver ou n’arriver pas, Dieu ne les pourrait pas prévoir. Il ne serait donc pas omniscient.

Il y a plusieurs réponses à cet argument, qui paraît d’abord invincible :

1° La prescience de Dieu n’a aucune influence sur la manière de l’existence des choses. Cette prescience ne donne pas aux choses plus de certitude qu’elles n’en auraient s’il n’y avait pas de prescience ; et si l’on ne trouve pas d’autres raisons, la seule considération de la certitude de la prescience divine ne serait