Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/394

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lettre[1] ; mais celui-ci sera le saint du jour. Il n’y a que très-peu de fautes qui ont échappé à la vivacité du royal écrivain, et qui sont les fautes des doigts et non de l’esprit. Par exemple :

J’ause profiter de la vie,
Sans craindre les très de l’envie.

Votre main rapide a mis ]là j’ause pour j’ose, et très pour traits, malcin pour matin, etc. Vous faites amitié de quatre syllabes, ce mot n’est que de trois ; vous faites carrière de trois syllabes, ce mot n’en a que deux. Voilà des observations telles qu’en ferait le portier de l’Académie française ; mais, monseigneur, c’est que je n’en ai guère d’autres à vous faire. Je raccommode une boucle à vos souliers, tandis que les Grâces vous donnent votre chemise et vous habillent.

Ce qui me fait encore, du moins jusqu’à présent, donner la préférence à cet ouvrage, c’est qu’il est la peinture naïve de la vie que vous menez. Il me semble que je suis de la cour de Votre Altesse royale, que j’ai le bonheur de l’entendre et de lui exposer mes doutes sur les sciences qu’elle cultive. D’ailleurs Cirey est la petite image de Remusberg ; mon héroïne vit comme mon héros. J’allais vous parler, monseigneur, de l’Épître que Votre Altesse royale lui adresse ; mais je ferais trop de tort à tous deux de parler pour elle.

Digne de vous parler, digne de vous entendre,
Seule elle peut répondre à vos charmants écrits ;
Et c’est à cette Thalestris
D’entretenir cet Alexandre.

Que j’aurai encore de remerciements à faire à Votre Altesse royale sur la lettre à M. Duhan, à M. Pesne ! Je n’ose à peine parler des vers que vous daignez m’adresser. Quelle récompense pour moi, monseigneur, quel encouragement pour mériter, si je peux, vos bontés ! Laissez-moi, s’il vous plaît, me recueillir un peu ; ma tête est ivre. J’aurai l’honneur de vous parler de tout cela quand je serai de sang-froid.

Pour me désenivrer, je viens vite à la prose, aux éclaircissements sur la Russie, que vous avez daigné faire parvenir jusqu’à moi, et dont j’étais extrêmement en peine.

Ils ont l’air d’être écrits par un homme bien au fait, et qui connaît bien l’intérieur du pays. Je ne suis point étonné de voir

  1. Celle qui suit celle-ci.