Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/431

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vous appelez mon élève. Je suis cause au moins qu’il travaille difficilement ; mais le meilleur conseil que je lui aie donné, c’est de vous voir souvent et de vous consulter. Je suis si honteux de ne plus rien faire pour vous que j’exhorte tout le monde à se mettre sur les rangs à ma place. Je suis un pauvre prince détrôné qui ne fait plus la guerre que par ses généraux. J’ai bien encore des tentations de faire des campagnes ; mais Newton me retient, et je crains les sifflets. Mme du Châtelet, qui connaît le prix de vos talents, et encore plus de votre esprit, vous fait mille compliments. Je suis toujours, mademoiselle, plein des sentiments qui m’attachent à vous pour ma vie.

Seriez-vous assez bonne pour me mander si vous jouez cet enfant comme il est imprimé ou comme vous l’avez d’abord représenté ? Est-il sénéchal ? Est-il président ?


833. — À M. THIERIOT[1].
Cirey, 22 février 1738.

J’ai reçu, mon cher ami, votre lettre et les paquets de Berlin. Notre prince, en vérité, est plus adorable que jamais. J’aurais bien des choses à vous dire de lui, et je voudrais bien lui avoir l’obligation de vous attirer à Cirey. Ma foi, j’ai envie de lui demander qu’il envoie à Mme du Châtelet un second ambassadeur, et que cet ambassadeur soit vous.

Je ne reçois point de nouvelles de mes nièces : les noces les occupent. Je pourrais me plaindre que la Mignot[2] ait préféré l’abominable séjour de Landau à notre vallée de Tempé ; mais vous savez que je veux qu’elle soit heureuse à sa façon, et non à la mienne.

Je n’ai point vu la Gressade[3], ni l’Amour-propre de Delille[4] ; je les ferai venir si vous les jugez dignes des regards d’Émilie. J’écris pour avoir ce recueil de Ferrand dont vous me parlez ; mais je vous avoue que je suis toujours dans des transes que ces maudits livres ne troublent mon repos. Je pardonne aux Almanachs du Diable[5], mais je crains la calomnie ; je crains qu’on ne m’impute des vers de l’abbé de Chaulieu, qu’on a déjà mis sur mon compte[6].

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Cette nièce épousa M. Denis le 25 février 1738.
  3. Ode de Gresset sur l’Amour de la patrie.
  4. Poëme de Delille de La Drevetière.
  5. Par Quesnel.
  6. Sans doute les Épîtres sur le Bonheur.