Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/490

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remonter au premier principe. La cause première n’est guère faite pour le physicien, et les premiers ressorts des intrigues ne sont guère faits pour l’historien. Peindre les mœurs des hommes, faire l’histoire de l’esprit humain dans ce beau siècle, et surtout l’histoire des arts, voilà mon seul objet. Je suis bien sûr de dire la vérité quand je parlerai de Descartes, de Corneille, du Poussin, de Girardon, de tant d’établissements utiles aux hommes ; je serais sûr de mentir si je voulais rendre compte des conversations de Louis XIV et de Mme de Maintenon.

Si vous daignez m’encourager dans cette carrière, je m’y enfoncerai plus avant que jamais ; mais, en attendant, je donnerai le reste de cette année à la physique, et surtout à la physique expérimentale. J’apprends, par toutes les nouvelles publiques, qu’on débite mes Éléments de Newton ; mais je ne les ai point encore vus. Il est plaisant que l’auteur et la personne[1] à qui ils sont dédiés soient les seuls qui n’aient point l’ouvrage. Les libraires d’Hollande se sont précipités, sans me consulter, sans attendre les changements que je préparais ; ils ne m’ont ni envoyé le livre, ni averti qu’ils le débitaient. C’est ce qui fait que je ne peux avoir moi-même l’honneur de l’adresser à Votre Altesse royale ; mais on en fait une nouvelle édition plus correcte, que j’aurai l’honneur de lui envoyer.

Il me semble, monseigneur, que ce petit Commercium epistolicum[2] embrasse tous les arts. J’ai eu l’honneur de vous parler de morale, de métaphysique, d’histoire, de physique ; je serais bien ingrat si j’oubliais les vers. Eh ! comment oublier les derniers que Votre Altesse royale vient de m’envoyer ? Il est bien étrange que vous puissiez écrire avec tant de facilité dans une langue étrangère. Des vers français sont très-difficiles à faire en France, et vous en composez à Remusberg, comme si Chaulieu, Chapelle, Gresset, avaient l’honneur de souper avec Votre Altesse royale. (Le reste manque.)


871. — À M. THIERIOT.
Ce 21 mai, à Cirey.

Mon cher ami, quand Descartes était malade, il ne répondait pas régulièrement à son Père Mersenne.

  1. La marquise du Châtelet.
  2. Titre de quelques recueils composés, entre autre, de lettres et d’opuscules de Leibnitz.